Les soins à domicile en quête de remèdes

Le secteur des soins à domicile est en manque de vocations. De nombreux aide-soignant·es, infirmier·es et directeur·ices de centres de soins à domicile s’inquiètent de la pénurie d’aidant·es en Gironde. A l’occasion de la journée nationale de la Santé à Domicile, Imprimatur s’est penché sur le sujet.

On nous pousse à bout jusqu’à ce qu’on lâche”. Émeline est infirmière à domicile à Pessac. Tout juste diplômée, elle travaille depuis quelques mois à l’association Soins Santé Domicile. “On va chez des patients alors qu’on est épuisés, on fait des journées à rallonge jusqu’à ce qu’on en puisse plus”, déplore-t-elle. “C’est un travail physique et difficile pour la santé mentale, pourtant très peu reconnu, surtout au niveau des salaires”. La plupart du personnel de santé à domicile est payé à peine plus que le SMIC.

Quand on leur rend visite, on absorbe ce que vivent les patients, leurs émotions. On est comme des éponges”, explique-t-elle. Cette charge mentale, couplée aux difficultés de conjuguer vie professionnelle et familiale, rend son métier très pénible : “il faut accepter trois heures de coupure dans sa journée, commencer très tôt et finir très tard”.

Les recruteur·ses girondin·es en détresse

Le secteur des soins à domicile a de plus en plus de mal à recruter. Depuis 10 ans, le nombre d’agent·es a diminué de 30% et le nombre d’heures d’intervention de 20%, d’après le communiqué de presse du Réseau Public Départemental d’Aide à Domicile de Gironde, publié en novembre 2023. “On se retrouve certains jours avec plus d’absents que de présents ! Il est impossible, depuis plusieurs mois, de prendre de nouveaux bénéficiaires, faute de capacité à pouvoir assurer ensuite les interventions”, déplore Charline Serdot, responsable du Centre intercommunal d’action sociale du Fronsadais.

 

En Gironde, 39 postes d’aides à domicile restent encore à pourvoir, d’après le même communiqué. L’association Soins Santé Domicile, où travaille Emeline, a perdu 13 aide-soignants depuis le Covid. “On a dû réduire l’activité du service en attendant de reformer une équipe complète”, constate Julie Nicolas, la responsable des ressources humaines. Sa structure a par ailleurs du mal à recruter à cause de la concurrence acharnée avec les agences privées de soins à domicile et les boîtes d’intérim, qui proposent des salaires plus élevés. “Certaines personnes s’inscrivent dans deux boîtes d’intérim et travaillent 60 heures par semaine”, témoigne François Régis Berger, le directeur de l’association de soins à domicile. 

Des études dans la souffrance

Dès l’école, de nombreux étudiants et étudiantes infirmier·es, dont certains finissent par travailler à domicile, abandonnent leur cursus. Salomé Scherrer vient de finir ses études d’infirmière. Elle a vu de très nombreux camarades abandonner en cours de route, ou après quelques mois d’exercice. Elle-même a fini en burn-out et en dépression en troisième année suite à un stage aux urgences. “On est confrontés à des situations complexes : la vie, la mort, la maladie”, témoigne-t-elle. Plusieurs de ses camarades qui ont fait l’expérience des soins à domicile n’ont pas eu envie de continuer : “certains se sont sentis en danger car ils se sont retrouvés seuls chez quelqu’un qui est psychologiquement instable”, ajoute Salomé Scherrer.

Pour pallier cette absence de vocations, le département finance une campagne du Réseau Public Départemental d’Aide à Domicile (RPDAD) de la Gironde. “Cela comprend des actions de communication, mais aussi un travail sur les conditions d’emploi, la sensibilisation et la formation de personnel pour faire connaître ce métier et redorer son image assez déplorable”, explique Laurence-Marine Dupouy, la responsable de la communication du RPDAD.

Il faut plus de moyens pour favoriser l’attractivité de ces métiers de proximité et pour les conserver. Les enjeux politiques sont très forts”, conclut Valérie Berger, co-responsable du master Infirmier en pratique avancée au CHU de Pellegrin à Bordeaux.

Alexis Girard et Lisa Défossez

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