Groupes de niveau : une mise en oeuvre largement contestée

Un millier de personnes étaient rassemblées ce 19 février à Bordeaux, lors d’une grève interprofessionnelle des agent.es de la fonction publique, en faveur d’une hausse de leur rémunération. Même si l’ensemble des manifestant.es ont fait cause commune autour des salaires, les voix des enseignant.es se sont distinguées de la foule pour s’opposer à l’instauration, dès la rentrée prochaine, de groupes de niveau au collège.

Rassemblé devant la préfecture, le corps enseignant en tête de cortège se prépare pour le départ de la manifestation. Marion Commercon, professeure syndiquée au collège Montaigne à Lormont, dénonce la création des groupes de niveau. « Dans notre collège, on a dix-neuf salles de classe, avec cette mesure, tous les professeurs de français et de mathématiques vont avoir cours en même temps. Ça va rendre les conditions de travail extrêmement difficiles« , dénonce la professeure d’anglais. Selon la note de service publiée le 18 mars au bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale, la mise en application des groupes de niveau est prévue à la rentrée scolaire 2024 pour les classes de 6e et 5e, et à la rentrée 2025 pour les classes de 4e et 3e.

Dans un entretien accordé à l’AFP, le Premier ministre Gabriel Attal affirme : « il faut adapter l’enseignement du français et des mathématiques aux besoins de chaque élève pour faire progresser le niveau général. La règle, c’est le groupe, et l’exception très encadrée, c’est la classe. Il y aura trois groupes selon le niveau de difficulté, avec un objectif, qu’on puisse faire le point sur le niveau des élèves« .

Des problèmes de logistique à venir

Le principal du collège Francisco Goya de Bordeaux, Franck Martin, est résolu à appliquer cette réforme : « C’est la loi et le texte a été publié samedi au Journal officiel. On n’aura pas d’autre choix que de l’appliquer« . Mais son discours ne serait sûrement pas le même si son collège ne présentait pas des conditions logistiques favorables pour l’application du dispositif. Franck Martin reconnaît être chanceux : « Nous avons les moyens nécessaires pour le mettre en place : le bon nombre de salles, de professeurs et les bons alignements dans l’emploi du temps avec une souplesse suffisante. Techniquement, tout est réuni pour que ce soit possible », admet-il.
Mais ce n’est cependant pas le cas dans tous les collèges de Bordeaux. En effet, 150 personnes s’étaient rassemblées, mercredi 13 mars, devant le rectorat de Bordeaux à l’appel des syndicats des personnels de direction de l’enseignement public, pour contester le « choc des savoirs » annoncé par Gabriel Attal en octobre 2023.

Amaël André, professeur en sciences de l’éducation et directeur adjoint en charge de la recherche à l’INSPE de Normandie-Rouen-Le Havre, nuance l’efficacité du dispositif. « Les résultats des études tendent à montrer qu’il y a un effet significativement négatif sur le bien-être des élèves, à savoir leur sentiment d’appartenance, leur sentiment de compétence, leurs compétences sociales ». Sylvain Connac, enseignant-chercheur en sciences de l’éducation à Université Paul Valéry-Montpellier 3, complète en affirmant que les enseignants des groupes faibles réduisent les objectifs pédagogiques. « On enseigne ce qui est directement accessible pour cet élève-là et il y a une importante perte d’ambition. Finalement, les groupes de niveau contribuent à baisser le niveau scolaire ».

Loéva Claverie et Agathe Courret

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