Cancer des jeunes : “On n’imagine pas ce que l’on endure à cet âge”

Entre le service pédiatrique et celui des adultes, les jeunes atteints de cancer ont un parcours ambulatoire complexe. Malades certes, ils et elles restent avant tout des adolescent·es et des jeunes adultes (AJA), avec les préoccupations de leur âge.

L’adolescence transforme le corps. La puberté passe par là. Mais quand s’ajoute le cancer, « c’est un tsunami émotionnel », illustre Marie Sallé, ancienne malade. Dans la vigueur de la jeunesse, leur corps failli et le moral avec.

Pour les professionnel·les de la santé, le cancer chez les jeunes requiert une prise en charge particulière, prenant en compte les problématiques de leurs âges. Sibylle d’Arfeuille, déléguée générale de l’association de soutien Aïda, le rappelle : « l’adolescence est un moment charnière pour arriver à trouver confiance en soi, à se construire ».

Une prise en charge en fonction de l’âge

Selon l’Institut national du cancer (Inca), le diagnostic et le traitement des adolescents et jeunes adultes (entre 13 et 25 ans) apporte son lot de difficultés. L’accompagnement est davantage complexe que celui des adultes. Les jeunes sont à la fois soumis·es aux cancers touchant spécifiquement les enfants et ceux propres aux adultes. Alors, dans quels services faut-il les orienter ? Depuis quelques années, un·e jeune peut bénéficier d’un accompagnement dans des structures spécialisées pour sa tranche d’âge, au grand soulagement des spécialistes.

Cette évolution est d’autant plus bienvenue qu’elle facilite le suivi des parents. Dans un cas pédiatrique, l’équipe médicale demande à ce qu’un parent s’arrête de travailler pour accompagner le ou la jeune. « Les liens familiaux se resserrent« , déclare Marie Sallé, chargée de mission de l’association On est là. 

Passé 18 ans, « le jeune peut se débrouiller seul et les parents prennent la place qu’ils souhaitent« , poursuit-elle.

Une maison pensée pour les jeunes

À Bordeaux, un service est dédié aux jeunes atteints de cancer : la Maison Aquitaine ressource pour adolescents et jeunes adultes (Maradja). Les patient·es définissent leurs besoins lors d’un entretien. Un programme se construit alors autour de séances avec des psychologues, de soutien scolaire ou encore, d’activités physiques adaptées.

Parmi les préoccupations des AJA, l’apparence et le regard des autres ont une bonne place. Alors, tout un accompagnement est consacré à l’image du corps. Camille Mathieu, socio-esthéticienne, intervient pour contrer « la transformation du corps par la maladie« , avec des massages, du maquillage et des tatouages. « Pour les cheveux, ils peuvent avoir des perruques« , ajoute Tiphaine Piovesan, interne dans un service d’oncologie pédiatrique à Paris.

Tiphaine Piosevan, interne en oncologie pédiatrique, insiste sur le chamboulement de la vie des adolescent·es malades.

Fondée en 2013, la Maradja fait le lien entre les services d’oncologie pédiatrique et adulte du CHU de Bordeaux et de l’institut Bergonié.

Combattre l’isolement

La Maradja s’appuie sur plusieurs associations de patients comme On est là. Cette dernière organise des groupes de parole et des parrainages à la demande de jeunes malades. « Nous voulons leur apporter notre expérience, donner des conseils et de l’espoir« , liste Marie Sallé, chargée de mission. Tous les membres de l’association sont d’anciens malades du cancer, mais ils ne veulent pas essentialiser leur vécu. « Chaque cas est différent, mais on passe souvent par les mêmes questionnements« , assure-t-elle.

De son côté, l’association Aïda « veut leur apporter la jeunesse qu’ils n’ont pas forcément à l’hôpital, défend Sibylle d’Arfeuille. Nous proposons le pair à pair. Des bénévoles qui ont entre 15 et 25 ans  aident des jeunes du même âge. Le but est de leur changer les idées ».

Sibylle d’Arfeuille, déléguée générale de l’association Aïda.

Sibylle d’Arfeuille, déléguée générale de l’association Aïda, souligne que l’accompagnement concerne aussi la famille.

Pour sortir de l’isolement, On est là propose aux jeunes d’échanger sur le réseau social Discord. Créer du lien entre jeunes atteint·es ou guéris du cancer, voilà ce que veut faire l’association.

Lorsqu’un.e jeune est atteint.e d’un cancer, sa famille est aussi impactée. Le choc peut-être brutal pour ses proches au soutien sans faille. Sibylle d’Arfeuille, déléguée générale de l’association Aida explique qu’ils ne doivent pas être mis de côté. “Toute la famille est aussi un sujet d’accompagnement. Il n’y a pas que les parents, les frères et sœurs sont aussi concernés.  L’enfant malade prend une place très importante dans le noyau familial en raison des traitements multiples. Et parfois, ça peut être mal vécu par les frères et sœurs. On essaye de proposer des ateliers aux parents comme à l’entourage en général ». 

Les échanges peuvent aborder des questions importantes telles que la fertilité et la sexualité. « Ces interrogations sont récentes parmi nos patients, précise Tiphaine Piovesan, interne en oncologie pédiatrique. Ce n’était pas le cas il y a vingt ans. On guérit mieux la maladie, donc on s’interroge davantage sur l’après. » D’autant plus que des solutions sont proposées aux jeunes pour préserver leur fertilité.

« Je n’ai pas eu recours à une préservation de fertilité alors que la majorité le fait« , se souvient Marie Sallé, en rémission. Sa leucémie a été prise en charge à temps. Une rapidité empêchant de déclencher un protocole de préservation de fertilité, qui dure plusieurs semaines pour être efficace. À 24 ans, le projet de maternité n’est pas d’actualité, mais elle se renseigne : « je ne sais pas à quel point ma fertilité est touchée. J’ai envie de savoir« .

Retour à la vie normale ?

Se pose aussi la question des études. Sur ce sujet, la Ligue contre le cancer de Gironde se rend dans les classes des adolescents malades pour sensibiliser leurs camarades à la maladie. L’objectif ? Préparer le retour des jeunes guéri·es et éviter les mauvais comportements. Certaines universités mettent en place des dispositifs d’accompagnement. « Après le traitement, on est contents de retrouver une vie sociale, sourit Marie Sallé. Mais, il y a un décalage avec les autres. On ne les comprend plus, ils ne nous comprennent plus. La reconstruction est lente. »

Noa Roche & Alexandre Tréhorel

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