Les commerçants bordelais, loin du zéro déchet

zero waste

Zero Waste a lancé sa première opération à Bordeaux samedi 10 mars. Objectif : convaincre les commerçants bordelais d’utiliser des contenants réutilisables. Des commerçants pas faciles à séduire. 

La pluie a refroidi les 150 personnes intéressées par l’événement sur Facebook. Samedi 10 mars, à 14h30, seulement une petite dizaine de bénévoles sont au rendez-vous place Pey-Berland pour la première opération de Zero Waste Bordeaux. L’antenne bordelaise de Zero Waste France s’est créée en janvier. Ils sont neuf membres permanents. Le mot d’ordre : réduction des déchets des particuliers, mais aussi des professionnels. Une mission de taille à Bordeaux, puisque chaque habitant produit en moyenne 328 kilos de déchets par an, recyclés à seulement 35%, selon les chiffres de Bordeaux Métropole.

Rapidement, des binômes se forment : les nouveaux bénévoles avec les membres fondateurs, « qui ont plus d’arguments pour convaincre ». Chacun a un kit, fourni par l’antenne nationale de Zero Waste. Un questionnaire, à remplir sur son téléphone, pour « économiser du papier », et le graal, un sticker que chaque commerçant peut afficher sur sa vitrine pour montrer son engagement. « Pour l’instant, on veut se faire connaître. L’objectif est de répertorier tous les commerçants qui sont engagés dans la réduction de leurs déchets. Si tout va bien, on pourrait faire une carte de ces restaurateurs et commerçants à l’échelle nationale », explique Hortense, 26 ans, membre de l’association. Chaque binôme tire au sort un papier qui définit la zone de vadrouille. Hortense et Léa, 23 ans, nouvelles recrues, piochent le périmètre de la rue des Trois Conils jusqu’à la place Camille Jullian. C’est le coup d’envoi de l’opération séduction auprès des commerçants bordelais.

Le kit de chaque binôme : la zone à couvrir, des stickers et un questionnaire pour les commerçants.

Rue des Trois Conils, les magasins grouillent de monde. Première cible : un restaurateur thaïlandais et japonais. Hortense se jette à l’eau, Léa essaie de retenir les questions à poser. « Bonjour monsieur, nous sommes une association, est-ce qu’on peut vous poser quelques petites questions ? », demande Hortense tout sourire. Elle récolte un non de la tête. Mauvaise pioche. Les deux filles ressortent aussi sec. « Je m’y attendais pas du tout », dit-elle dépitée. Pour la séduction, on repassera. Du côté de la place Camille Jullian, les terrasses sont remplies, mais l’écoute, pas vraiment à l’ordre du jour. Samedi après-midi, c’est le rush. Le binôme écolo le comprend vite. A peine le temps de placer un bonjour au milieu des brouhahas, elles essuient des « pas le temps », « faut jamais venir le week-end » des restaurateurs. De quoi stresser de Léa qui n’a jamais fait ce type de démarche. « Au final, tu te prends un vent et puis ça va », rassure Hortense, philosophe, qui reçoit au même moment un texto de son copain Mathias, lui aussi en mission : « C’est la catastrophe. »

Hortense détaille à Léa les arguments pour convaincre les commerçants.

Une heure de galère plus tard, les deux filles trouvent enfin une oreille attentive dans un salon de thé bio. Loin du bruit et de la fureur, c’est un cocon à l’ambiance feutrée. Ici, les clients prennent rarement à emporter. Peu d’emballages jetables donc. Et bon point, la patronne a choisi des gobelets en verre et non en plastique. Une employée veut aussi lui suggérer de faire du compost, avec les restes alimentaires. Hortense et Léa sont enfin sur la même longueur d’ondes qu’un restaurateur. Mais, « l’idéal c’est de convaincre des commerçants qui ne sont pas du tout écolos », note Hortense. « Les fast-foods, les kebabs, où on donne à chaque fois des pailles et des gobelets jetables aux clients. »

Les filles finissent leur tournée du côté du Triangle d’or, où règnent le calme et la volupté. Et là, miracle : à la fromagerie Beillevaire, on est toute ouïe. Au milieu des chèvres et des camemberts, Marina Billoux, la fromagère, explique « que les clients viennent déjà avec leur pot en verre ou des Tupperware quand ils achètent de la crème ». Pile la démarche que veut promouvoir Zero Waste. Les filles dégainent leur sticker « Bring your own container » plus vite que leur ombre. Il ne sera pas sur leur devanture, mais sur le comptoir, c’est pas si mal.

Les deux fromagères de la fromagerie Beillevaire acceptent déjà les contenants des clients pout réduire les emballages.

Les binômes se retrouvent à 16h30 pour un debrief. Certains ont eu plus de chance que Léa et Hortense. Claire, membre active, a pu discuter avec la moitié des commerçants démarchés. « Seulement, ils disent qu’ils sont intéressés mais veulent une solution clé en main, et qui ne leur coûte pas trop d’argent. Le jetable est plus économique pour eux pour l’instant. » Premier constat : les fromagers sont les plus réceptifs, et ils sont trois à avoir pris des stickers. D’ici un mois, les bénévoles reviendront auprès d’eux pour savoir si la démarche Zero Waste intéresse leurs clients. Deuxième constat : « tous les snacks, fast-foods, ils s’en foutent ». Pour la prochaine opération, il faudra donc cibler. Et oublier le samedi après-midi.

Zero Waste en France

Voir en plein écran

Julianne Rabajoie-Kany

Crédits photos : Julianne Rabajoie-Kany

Retour en haut
Retour haut de page