Les stratégies des femmes et hommes politiques se dessinent aussi sur Twitter. Dans le contexte des tractations sur l’avant-projet de réforme du droit du travail, la rédaction d’Imprimatur passe au crible les fils Twitter des quatre politiques concernés : François Hollande, Manuel Valls, Myriam El Khomri et Emmanuel Macron, avec l’aide de la sémiologue Brigitte Besse.
François Hollande, le plus institutionnel
Sur sa photo de profil, le président de la République pose en se tenant droit en chemise, veste de costume et cravate, devant une pendule dorée. « Sous les ors de la République », remarque Brigitte Besse. En photo de couverture, pas âme qui vive. Juste le palais de l’Elysée, avec le drapeau français sur la façade. « Pour montrer qu’il incarne sa fonction, avec les attributs du pouvoir », explique la linguiste. Son fil est aussi riche d’enseignements. Le président de la République qui prend de la hauteur, alors que selon certains médias, l’avant-projet de loi aurait été largement réécrit à l’Elysée et à Matignon… « En revanche, beaucoup de tweet commence par « je » comme s’il pratiquait la méthode Coué en prenant des engagements devant les Français, explique Brigitte Besse. Son fil twitter est un succession de profession de profession de foi ».
Je dénonce avec force le lâche attentat de Grand Bassam et témoigne aux victimes et à leur famille la solidarité de la France.
— François Hollande (@fhollande) 13 mars 2016
Myriam El Khomri, la plus « réseaux sociaux compatible »
Sur son avatar, Myriam El Khomri rentre dans son rôle de ministre. Elle est assise à son bureau. Dossiers face à elle, lampes et dorures en arrière-plan. Une photo de profil très institutionnelle pour une des dernières arrivées au gouvernement. Pour clouer le bec à ses détracteurs qui lui reprochent sa jeunesse et son inexpérience ? En couverture, la ministre du Travail a choisi une photo de selfie avec cinq jeunes, tous souriants. Priorité à la jeunesse ? « Elle est en représentation dans un cadre convivial », interprète Brigitte Besse. Myriam El Khomri est la ministre qui pour Brigitte Besse, utilise le mieux Twitter. Elle interpelle les twittos avec le « vous » et s’adresse aux usagers, quand un Valls par exemple a plus l’air d’occuper le terrain qu’autre chose. Un fil donne l’impression d’une ministre tournée vers les autres. Parmi ces quatre politiques, la ministre du Travail est celle qui emploie le plus de hashtags, d’interactions avec les autres twittos, de retweets, et donc exploite au maximum les fonctionnalités du réseau social.
Merci aux futurs usagers, acteurs de l’accompagnement, employeurs, startups qui vont contribuer à faire du #CPA un objet numérique innovant
— Myriam El Khomri (@MyriamElKhomri) 15 mars 2016
Manuel Valls, le super communicant sur tous les fronts
Sans veste, juste en chemise et cravate. Plus décontracté. Sur sa photo de profil, Manuel Valls tente de se détacher du cadre institutionnel et privilégie une photo de profil en extérieur, sur un fond vert. En couverture, le Premier ministre est entouré de militaires. « Comme la ministre du Travail, il est en représentation mais sur le terrain », décrypte Brigitte Besse. Immergé dans la politique, il est très actif, notamment sur la loi travail en ce moment. « Son fil est beaucoup plus illustré, et il est presque à chaque fois sur la photo. Il est sur tous les fronts et tweete sur le cinéma, l’agriculture et sur des sujets plus institutionnels ». Une façon de se mettre en scène, qui donne l’impression d’une stratégie de communication centré sur lui et sur son ministère. Il reprend en illustration des documents institutionnels, affiches, rapports, etc., et pratique la langue de bois, en parlant d’ « échanges constructifs » par exemple ou en employant d’autres formules passe-tout.
#LoiTravail: des désaccords avec P. Martinez (CGT) mais aussi des points où nos échanges peuvent permettre d’avancer pic.twitter.com/DxC1p9AqM2
— Manuel Valls (@manuelvalls) 7 mars 2016
Emmanuel Macron, le plus technique
A l’instar de Manuel Valls, son rival selon certains journaux, le ministre de l’Economie pose pour sa photo de profil à l’extérieur sur sa photo de profil, souriant. La photo est prise sur le vif, tout comme celle posté en couverture du compte. Sur cette dernière, il est en réunion. Costumes et cravates sont de rigueur mais l’ambiance est détendue. « Il cultive l’entre-soi « , analyse Brigitte Besse. Sur son fil, Macron reste très informatif : chiffres, données techniques, liens vers des articles, hashtags… « Il est bien dans son rôle de ministre de l’économie ». Mais sur la loi travail, pas de prise de position particulière.
Les autocars, ce sont plus de 1.300 emplois créés en 6 mois et 1,5 million de passagers transportés dans 157 villes !
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 1 mars 2016
Si un palmarès devait être dressé, Hollande remporterait la palme du compte Twitter à la fois le plus personnel et le plus formel, Myriam El Khomri celle de la ministre la plus (et la mieux ?) connectée. Manuel Valls occupe le terrain, quitte à se tromper de support de communication, tandis qu’Emmanuel Macron décroche le prix du compte le plus informatif. Dans tous les cas, leurs pratiques démontrent que la visibilité sur les réseaux sociaux est un réel enjeu politique.