Philippe Poutou ouvre une librairie militante à Bordeaux et tourne une page politique

Philippe Poutou, figure de la gauche bordelaise, vient de reprendre une librairie, rue du Maréchal Joffre. © Jean-Baptiste Stoecklin

À un an des élections municipales, le triple candidat à la présidentielle et conseiller municipal de Bordeaux Philippe Poutou a annoncé son retrait de la vie politique. Avec sa femme Béatrice Walylo, l’ancien ouvrier de Ford a décidé de relancer la librairie Les 400 coups, lieu de vie militante emblématique de la vie bordelaise.

Imprimatur : À l’approche des municipales, certains espéraient une nouvelle candidature de votre part. Finalement vous décidez de lancer une librairie, pourquoi ? 

Philippe Poutou : Tout part d’une opportunité, une sympathique libraire qui part à la retraite. On a fait sa connaissance en décembre 2024, à l’occasion d’une rencontre avec des auteurs qui avaient écrit des livres sur la Kanaky (Nouvelle Calédonie, ndlr). Et c’est parti comme ça. Elle partait à la retraite, elle n’avait pas de repreneur. Et puis, nous, c’était un peu notre rêve avec Béatrice, mais c’était un truc irréalisable. Nous avons demandé conseil à des amis libraires. Ils nous ont dit : « Allez-y, on vous soutient et on vous aidera dans la mesure de nos moyens. » Donc, on se lance dans ce que certains appellent une nouvelle aventure.

I. : Et donc, finie la politique ? 

P. P. : Non, non, pas du tout. C’est vrai que ça suppose quand même un changement dans nos agendas et dans l’organisation de notre vie. Parce qu’une librairie, ça suppose d’être davantage sédentaire. Quand j’étais au chômage, depuis la fermeture de l’usine de Ford (de Blanquefort, ndlr), j’avais une certaine marge de manœuvre. Donc, j’en profitais, je militais. Et puis, j’avais mon boulot d’élu.

C’est vrai que la librairie, c’est une autre forme d’engagement. Mais ce n’est pas du tout un éloignement de la politique, parce que d’une certaine manière, la librairie va être une autre façon de faire de la politique, de s’engager, de militer.

I. : Comment pensez-vous ce nouveau lieu ? 

P. P. :Avec Béatrice, on veut clairement l’identifier de gauche, militant et wokiste, d’une certaine manière, en réponse à l’ambiance réactionnaire et d’extrême droite. On veut que ce soit un espace de rencontre, de discussion et de liberté. Tout autre chose de ce qu’on est en train de vivre dans la société. En ce sens, ce n’est pas du tout un éloignement de la vie politique.

I. : Quels livres pourra-t-on y trouver ?

P. P. : Tout d’abord des livres de la maison d’édition Libertalia, ce sont nos amis. En fait, c’est eux qui nous ont encouragés à monter ce projet-là et qui nous ont formés très rapidement. Donc, évidemment, il y a un lien privilégié.

Nous vendrons de tout : de la littérature jeunesse, de la bande dessinée, de la littérature classique, des essais, ce qu’on appelle les sciences sociales. On pourra également trouver des livres sur le féminisme, les luttes LGBTI, l’antiracisme, l’anticolonialisme, des luttes sociales, évidemment. Enfin, tout ce qui peut être un combat politique.

Donc, en fait, globalement, c’est une librairie anticapitaliste. Avec Béatrice, on espère pouvoir faire passer cette idée de nécessité de lutte contre toutes les formes de domination et d’exploitation.

I. : Pourtant il existe d’autres librairies engagées à gauche à Bordeaux. Qu’est-ce qui distinguera votre librairie des autres ? 

P. P. : Je pense que nous allons surtout nous distinguer à travers nos conférences. Par le choix des personnes qui viendront, par le choix des thèmes abordés. Dès la semaine prochaine, une discussion aura lieu autour de la lutte des kanaks contre le colonialisme français. À la fin du mois, ce sera Monique Pinçon-Charlot, sociologue de renom, qui viendra nous parler du système de domination des riches. Globalement, on trouvera des auteurs et des autrices marqués très marqués à gauche. Mais bien sûr aussi des romanciers ou romancières, dessinateurs, dessinatrices. Quel que soit le thème de la conférence, on espère pouvoir discuter des sujets de société. En fait, quelque part, on s’en fout de ce que font les autres. Tant qu’on réussit ce qu’on a envie de faire. 

Propos recueillis par Jean-Baptiste STOECKLIN

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