Réveillon vegan, emballages en tissu, cadeaux faits main, décoration en objets recyclés : Noël est à son tour passé au crible des écologistes et les initiatives pour une célébration plus verte se multiplient.
Fini le temps de l’orange et du carré de chocolat au pied du sapin le soir du réveillon. En 2021 encore, les cadeaux s’amoncellent en nombre dans beaucoup de foyers et la consommation est reine. « Noël a toujours été associé à la consommation« , annonce d’emblée Patrice Duchemin, sociologue et auteur du livre Le pouvoir des imaginaires : 1001 initiatives pour révolutionner la consommation. Les chiffres l’attestent : d’après une enquête de Consoglobe, chaque enfant reçoit en moyenne 8.4 cadeaux à Noël pour un total de 132 millions de papiers cadeaux déchirés au réveillon en France. « On offre des choses que l’on n’offrait pas auparavant : il y a une expansion de la valeur et du nombre des cadeaux. Tout devient cadeau« , analyse le sociologue.
L’impact écologique se vérifie aussi et les cadeaux ne sont pas les seuls responsables : d’après un rapport Effy, la puissance des illuminations des villes et des logements en France au moment des fêtes de fin d’année avoisine celle d’une centrale nucléaire, soit 1300 Mégawatts. L’Agence de la transition écologique (Ademe) avance de son côté que près d’un million de sapins artificiels squattent les salons des Français tous les ans, occasionnant chacun l’émission de 40 kg de CO₂. En clair, Noël n’a jamais autant pollué.
Une prise de conscience écologique : dépenser moins et dépenser mieux
Comment revisiter Noël sans le dénaturer ? Un Noël vert est-il toujours un Noël comme un autre ? C’est un défi important qui s’impose et auquel beaucoup s’attellent. Il a débuté par une certaine prise de conscience : « On a réalisé que tout est trop, donc on a voulu moins dépenser, et enfin dépenser mieux. » théorise Duchemin. Ce sont de nouvelles valeurs qui ont émergé et atteint tout le marché de la distribution, de la plus petite des entreprises à la plus grande enseigne. Ces valeurs suscitent un attachement profond et sont à la base du nouveau Noël, le Noël vert : « Mon approche, c’est de faire du mieux que je peux« , assène Marine Baris, co-fondatrice du 9 Pop-Up, magasin éphémère d’objets et de prêt à porter aux Chartrons qui met entre autres l’écoresponsabilité au cœur de son activité. « Les gens qui consomment des bijoux ne sont pas forcément ceux qui ont le plus de moyens. Ceux qui viennent chez nous croient en l’histoire du produit et sont prêts à faire un investissement en rapport avec les valeurs que l’on promeut« , détaille l’entrepreneure.
Le développement du marché de l’upcycling est également un bon exemple de ce renversement des valeurs : « La seconde main est entrée dans nos habitudes au même titre que l’écoresponsable, jusqu’à Noël. C’est quelque chose de vertueux« , interprète Patrice Duchemin. Pour lui, l’écoresponsabilité est l’affaire de tous, chacun peut verdir son Noël : « La seconde main n’est pas réservée aux populations les plus pauvres : les contre-exemples sont légion. Il y a autant de chômeurs que d’actifs qui utilisent Vinted par exemple« .
Pour autant, la transition est loin d’être achevée : en théorie, l’esprit de Noël veille de plus en plus à son empreinte écologique, mais dans les faits, un peu moins. Dans une société toujours plus consumériste et capitaliste, la consommation est un mode de vie à part entière dont il est difficile de se défaire. Les cadeaux neufs sont encore les plus répandus. Pour autant, Patrice Duchemin estime qu’il ne faut pas diaboliser la consommation car elle est d’abord le reflet de notre mode de vie : « Les marques et les enseignes ne sont pas la source d’une corruption du caractère sacré de Noël : elles se contentent simplement de capter les tendances. »
Les marques : l’autre visage du Noël vert
Si certains consommateurs revoient leur manière de réveillonner, c’est aussi grâce aux marques. Pourtant, la place des valeurs de l’écoresponsabilité varie selon les enseignes. Au 9 Pop-Up « toute l’équipe est animée par ces valeurs« , assure-t-on. Une attention toute particulière est portée à la trace que Noël peut laisser sur l’environnement. Mais c’est un engagement que tous ne prennent pas, pour une raison principale : les enseignes de grande distribution sont guidées par le profit plus que par les valeurs. Elles sont pour la plupart opportunistes avant d’être écologistes. « C’est à leurs risques et périls : s’il y a tromperie, les réseaux sociaux se chargeront de la sanction« , avertit Patrice Duchemin. Vouloir être vert peut parfois simplement signifier vouloir vendre plus. Mais cela reste à vérifier : l’activité des entreprises est de plus en plus contrôlée par les pouvoirs publics et les associations de consommateurs, note le sociologue. Le greenwashing peut ainsi s’inviter jusqu’au pied du sapin. Aussi forte soit l’envie d’être plus écoresponsable, le facteur économique peut malgré tout freiner les ardeurs :
« Il y a un certain coût à mettre en place l’écoresponsabilité : faire confiance à des produits et à des méthodes plus propres c’est consentir à des coûts de production plus élevés, ce qui peut se répercuter sur le niveau des prix, ce qui par la suite a son importance sur notre chiffre d’affaires. Sur le temps long une enseigne comme la nôtre peut trouver sa santé à condition d’avoir les reins vraiment solides, sur le court terme c’est plus incertain« , tempère Marine Baris.
Les mentalités changent au fil des réveillons avec l’évolution des habitudes de consommation. Noël passe peu à peu du rouge au vert. Pour autant, il ne le sera pas complètement si le profit continue de prendre le pas sur l’écoresponsabilité : aux marques de sauver Noël avant qu’il ne sente trop le sapin.
Crédit: Samuel Cardon sur InDesign