Emmanuelle Bonneau : « on ne règlera pas le changement climatique avec quelques arbres » à Bordeaux

Alors que l’année 2025 est en passe de devenir la deuxième année la plus chaude jamais enregistrée selon l’observatoire Copernicus, Bordeaux est en première ligne face à ces bouleversements futurs. Pour la chercheuse Emmanuelle Bonneau, la crise climatique interroge de manière plus globale la conception des villes.

Emmanuelle Bonneau est chercheuse en urbanisme à Bordeaux Montaigne. ©Université Bordeaux Montaigne

Emmanuelle Bonneau est urbaniste et maîtresse de conférence en aménagement de l’espace à l’Université Bordeaux Montaigne. Elle étudie les rapports ville-nature et l’évolution des pratiques de l’urbanisme face aux injonctions liées à la transition écologique. Selon elle, les défis restent nombreux pour la métropole bordelaise, malgré les politiques écologiques qui se sont multipliées ces dernières années. 

Imprimatur – À Bordeaux métropole et ses alentours, quelles sont les conséquences du réchauffement climatique ?

Emmanuelle Bonneau – Il y en a plusieurs, dont des épisodes caniculaires et des risques d’inondations le long de la Garonne. Il y a aussi un risque très présent en Gironde, qui est celui de gonflement et de retrait d’argile. Concrètement, un sol argileux se gonfle et prend beaucoup d’espace quand il y a des précipitations. Et en période de sécheresse, ce sol se rétracte et se craquelle : c’est le même principe que pour une éponge, quand elle est mouillée ou quand elle est toute sèche. Dans le contexte des changements climatiques, les gonflements dus à l’humidité et les rétractations liées à la chaleur se multiplient. Si les fondations des constructions présentes sur ce sol n’ont pas été prévues pour résister à ces événements, elles vont se fissurer et, à terme, s’effondrer.

I – Que font les villes pour faire face à ces changements ?

E. B. – Les épisodes caniculaires de ces dernières années, notamment ceux de 2003 et 2017, ont entraîné des vagues de plantations partout en France. À Bordeaux, la plantation d’arbres est même devenue un argument municipal. (NDLR : Depuis 2020, 57 000 arbres ont été plantés, selon les chiffres de la mairie de Bordeaux). Ça ne concerne plus seulement la végétalisation des cours d’école, mais aussi celle des places et des rues, notamment celles menant aux écoles.

Cependant, il existe un principal frein à la mise en place de ces politiques de végétalisation, relatif à la question du partage de l’espace public. Planter un arbre, c’est penser à la place que l’on va accorder à la plante, prévoir de la terre et de l’eau, prendre en compte le développement des racines et la gestion des feuilles mortes… Tout cela crée de la concurrence avec d’autres usages et usagers de l’espace, par exemple ceux liés à la circulation et au stationnement. Cette nouvelle gestion et ces changements d’habitude prennent du temps à se mettre en place. Finalement, la question qui se pose est celle de la place donnée à la nature en ville et de son acceptabilité auprès de la population.

I – Quelles pistes sont à privilégier pour penser l’aménagement de manière plus globale à Bordeaux ?

E. B. – On est en plein « écologisme municipal ». Les mairies tentent de répondre à la problématique du réchauffement climatique via la plantation d’arbres. Seulement, on n’est pas sur une pensée globale du problème, qui est plus complexe et qui ne va pas se gérer avec quelques arbres. Le fonctionnement des villes, notamment, est aussi à questionner si l’on veut se saisir de la problématique environnementale en ville. On est dans un système de développement métropolitain, qui, de fait, a des conséquences environnementales très fortes.

I – Comment cela se traduit à Bordeaux ?

E. B. – Du point de vue des emplois par exemple, le maillage urbain alentour est très dépendant de Bordeaux. Les travailleurs sont nombreux à se rendre tous les jours dans le centre-ville, là où leurs lieux de travail se trouvent. Cette situation accentue le processus de concentration urbaine dans la métropole bordelaise car on a délocalisé l’habitat sans forcément délocaliser l’emploi.

La question du changement climatique est plurielle et nécessite des réponses propres à chaque territoire. Ce que l’on ne fait pas encore suffisamment, à cause d’une méconnaissance ou d’une ignorance un peu volontaire du risque. Par exemple, on a encore des maisons en façade littorale atlantique qui se vendent à plusieurs millions d’euros, alors qu’elles sont très dangereusement soumises au recul du trait de côte.

Marine BENOIN et Jade FRICK

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