Le projet photographique Syrian Eyes of the World est présenté au festival du film d’histoire de Pessac« Un Si Proche Orient ». Il dresse le portrait de Syriens sans passer par le prisme de la guerre.
Le regard perçant d’une femme voilée, un épicier entouré de victuailles, des femmes qui tricotent… Ce sont une quinzaine de portraits qui accueillent le visiteur du festival du film d’histoire de Pessac. Un aperçu du projet Syrian Eyes of the World, mené par le photographe Youssef Shoufan. Les photos ont été prises entre 2013 et 2015 à Alep et à Damas, mais aussi à New-York, au Liban, ou encore à Montréal, où réside l’artiste syrien. Les portraits, dans un noir et blanc très graphique, représentent la société civile syrienne. Et notamment ses artistes : des peintres posant aux côtés de leurs toiles, une femme dansant dans la rue, ou encore un musicien.
Si la Syrie est en guerre depuis cinq ans, on ne retrouve ici aucune trace de ruines ou de combat. Les traits sont sereins, les regards joyeux. « On veut présenter un autre visage de la Syrie, mettre l’accent sur la vie qui continue », explique le photographe d’une trentaine d’années. « Vous avez plus de points communs que vous le pensez avec les Syriens. C’est ça qu’on veut montrer, pour faire tomber les stéréotypes et instaurer un dialogue ».
« Rassembler les cultures »
Les photos, souvent prises en intérieur, ont un aspect très intime, comme si les photographes connaissaient les modèles depuis des mois. « Les citoyens ont compris le projet et le soutiennent : la confiance s’est instaurée », assure Youssef. « Ils ne se reconnaissent pas dans l’image qu’on donne d’eux. Ils veulent donc se saisir de cette opportunité pour montrer leur vrai visage ».
Une citation accompagnait chaque portrait lors de l’exposition en novembre. Mais elles ont malheureusement disparues depuis la reprogrammation du festival en avril. « Sûrement à cause du manque de temps et de budget », suppose l’artiste. Les Syriens photographiés parlaient de leur travail ou de leurs sentiments mais ni la politique ni la religion ne sont abordées dans l’exposition. « Ces thèmes sont déjà suffisamment traités. Notre objectif et de rassembler les cultures, alors on évite les sujets conflictuels », sourit Youssef.
Une place importante est aussi laissée à l’esthétique. « On veut raconter des histoires, mais d’une belle façon. C’est important pour les spectateurs comme pour les personnes photographiées », souligne-t-il. D’où le choix du noir et blanc. « C’est aussi une question de sobriété, de respect envers ces Syriens », ajoute Youssef.
Dans un second projet, qui mêlera la couleur et le noir et blanc, il veut « rester dans la philosophie de cette exposition mais aller plus en profondeur ». Il s’agira cette fois-ci d’un documentaire, qui suivra six Syriens à travers le monde, dans leur quotidien. « Je veux montrer comment le conflit les touche et les transforme », explique-t-il. Une réalisation qui devrait voir le jour en 2017.