« On parle d’enfants ! » : À Bordeaux, la justice vent debout contre la réforme du droit pénal des mineur·es

Une quarantaine de professionnels de la justice étaient réunis lundi 5 mai devant le tribunal judiciaire de Bordeaux. © Yohan Dos santos Fernandes

Fin de l’excuse de minorité, comparutions immédiates, pénalités financières pour les parents… Un seul mot d’ordre pour la loi Attal : durcir la justice pénale des mineur·es. Mardi 6 mai, une version plus poussée du texte a suscité le consensus des parlementaires réuni·es en commission mixte paritaire. La veille, les avocat·es du barreau de Bordeaux étaient mobilisé·es devant le palais de justice de Bordeaux pour s’opposer à son adoption.

« Enfance pénalisée. Personnels maltraités. Quel avenir ? » lit-on lundi 5 mai sur le parvis du tribunal de Bordeaux. Une quarantaine de professionnel·elles de la justice sont mobilisé·es, comme partout en France, contre la proposition de loi Attal qui vise à durcir le droit pénal des mineur·es. Avocat·es, magistrat·es, psychologues, éducateur·ices… Ielles sont réuni·es pour dénoncer une réforme qui « rapproche la justice des mineurs de celle des majeurs ». 

« Il était impensable pour le barreau de Bordeaux de ne pas se mobiliser pour les enfants », assène Caroline Laveissière, bâtonnier du barreau de Bordeaux, « car oui, quand on parle de mineurs, en réalité on parle d’enfants. » À propos du texte – pensé comme une réponse aux émeutes de juin 2023 qui ont suivi la mort de Nahel Merzouk – elle dénonce une « proposition d’émotion qui comporte des dispositions beaucoup trop sévères, encore aggravées par le Sénat ». Pour ce même motif, la réforme faisait, en novembre dernier, l’objet d’un avis défavorable du Défenseur des droits. « Elle revient sur les grands principes de la justice des mineurs, fustige Caroline Laveissière, l’éducatif doit primer sur le répressif. »

Aux côtés des avocat·es, la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est, elle aussi, mobilisée. Patrice Raybaud, psychologue clinicien et représentant du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES), s’insurge : « Il n’y a plus d’éducatif ! Il n’y a plus d’éducateurs ! » Il accuse les pouvoirs publics de « retirer des moyens à la justice pour fonctionner ». Selon lui, « le problème devrait être réglé en amont. Il faut des moyens dans la prise en charge des mineurs accompagnés par la PJJ et pour la protection de l’enfance ». « On est la plus petite administration du ministère de la justice et l’année dernière 500 contractuels n’ont pas été renouvelés », s’indigne-t-il. Il rappelle qu’un « jeune considéré comme délinquant est avant tout un jeune en difficulté et qui a besoin d’être accompagné ». Et d’ajouter, reprenant un vieux slogan : « On veut des professionnels en nombre, plutôt que des jeunes à l’ombre ! Parce qu’il n’y a jamais eu autant d’incarcérations de mineurs qu’en ce moment. »

La Protection judiciaire de la jeunesse s’est joint au mouvement pour demander plus de moyens. © Yohan Dos santos Fernandes

Le conseiller régional de la Nouvelle-Aquitaine, Karfa Diallo (Les Écologistes), est également présent pour « soutenir une mobilisation essentielle ». Il appelle l’État à « mettre le paquet sur la prévention et l’accompagnement des jeunes, notamment au niveau psychiatrique, au lieu d’être dans la répression ».

Dernières étapes pour le texte : l’Assemblée nationale le 13 mai et le Sénat le 19, où il devrait rencontrer une forte majorité. Seuls les partis de gauche prévoient de s’y opposer et de saisir le Conseil Constitutionnel s’il est adopté.

Yohan DOS SANTOS FERNANDES

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