Le projet de loi sur la réforme des retraites est arrivé ce matin en commission mixte paritaire, en parallèle d’une 8ème journée de mobilisation. Dans les rues de Bordeaux, le cortège avance toujours. En colère, mais résigné.
La douceur et le soleil qui bercent la place de la Bourse tranchent avec le climat social qui traverse la France ce mercredi. Et pour cause. Alors que les intersyndicales battent le pavé pour cette 8ème journée de mobilisation, la commission mixte paritaire vient d’adopter une version commune du projet de loi sur la réforme des retraites.
Cet après-midi, la participation est en baisse. 50 000 personnes se sont déplacées selon les premiers chiffres de la CGT, quand la police n’en décompte que 8500. Mais pour Stéphane Obé, secrétaire départemental de la CGT 33, “la régression du mouvement n’entrave pas le soutien des Français, c’est le plus important.”
“Je suis dépité”
Dans les rues de Bordeaux, les sourires masquent la frustration. “On est déçus. Depuis le début, je me déplace pour manifester, mais il y a moins de monde et les collègues ne se mobilisent pas”, se désole Dominique, ancienne membre de la Carsat [Caisse d’assurance retraite et de santé au travail].
Arrivé place de la Bourse, Benoît avance tête baissée. Sa détermination des débuts s’est évanouie avec le temps. Lassé par l’attitude de la majorité qui reste sourde aux revendications de la rue, le fonctionnaire de l’aéronautique est sans appel : “Je suis dépité. Dépité par ces dirigeants qui s’enferment dans le mutisme et parce que, quoi qu’on fasse, ils ne nous écoutent pas.”
La résignation se lit sur certains visages mais la colère est aussi très présente. Myriam n’a pas hésité à se déplacer ce midi. “Je me battrai jusqu’au bout”. Comme elle, plusieurs ne se laissent pas abattre par le passage du texte en commission mixte paritaire. Objectif : ne rien lâcher et renforcer la mobilisation.
Qui sont les Bordelais·es mobilisé·es ?
Parmi les plus motivé·es pour faire bouger les lignes, les étudiant·es se sont de nouveau regroupé·es ce midi dans leur traditionnel cortège intersyndical. Quelques mètres devant eux, cours d’Alsace-Lorraine, Benoît pense qu’ils·elles sont une clé pour faire perdurer le mouvement. “Les étudiants devraient prendre le relais, faire encore plus de bruit ; parce que ça le gouvernement ne peut pas le maîtriser, ça leur fait peur.” Plus tôt dans la journée, un groupe a bloqué plusieurs bâtiments de l’Université Bordeaux Montaigne.
Université Bordeaux Montaigne : bloquée et mobilisée
Dans la rue, les mêmes métiers sont représentés : profs, dockers, cheminots… Alors que la réforme touche tout le monde, certaines catégories ne se mobilisent pas. C’est le cas des sportif·ve·s de haut niveau qui sont pourtant concerné·e·s.
Les sportif·ve·s de haut niveau courent toujours après leur retraite
Au fil de l’après-midi, les gilets rouges de la CGT et les fumigènes accompagnent le cortège. Depuis le début, la mobilisation est surtout syndicale. À leur place il y a quelques années, les Gilets Jaunes remplissaient les rues. Aujourd’hui, leur présence est moins visible dans la manifestation.
L’enthousiasme déçu des Gilets jaunes
Argent, le nerf de la grève
Cette journée du 15 mars n’a pas rassemblé autant de monde que les deux journées de mobilisation précédentes. Le coût de la mobilisation est au cœur des préoccupations. Alors que l’inflation s’est de nouveau accentuée au mois de février avec une hausse de 6,2%, “beaucoup sont tenus par la fin du mois”, rappelle Anne-Isabelle, membre de la CGT et du Centre financier postal. Pour eux, impossible de se mettre en grève.
L’argent, c’est ce qui a poussé Samantha à ne pas manifester ces deux dernières semaines. La jeune femme, assistante d’éducation à l’EREA (Établissement régional d’enseignement adapté) Le Corbusier à Pessac, ne pouvait simplement “pas se le permettre.” Pour cette semaine de passage en commission mixte paritaire, elle et ses collègues ont décidé de lancer une caisse de grève au sein de leur lycée pour pouvoir se mobiliser. “Pour l’instant, on a récolté 1000€, mais ça ne couvrira pas tout le monde.”
De leur côté, les syndicats continuent de mettre en place leurs caisses de solidarité, à l’image de la CGT, dont la cagnotte Leetchi a atteint 939 000 €. Un soutien financier dont se félicite Stéphane Obé, secrétaire départemental de la CGT 33 ; mais qui ne suffit pas selon Benoît : “On a envie de jeter toutes ses forces dans la bataille, mais il faut en avoir les moyens.”
Justine ROY @justiineroy