Les sportif·ve·s de haut niveau courent toujours après leur retraite

Alors que le projet de loi de réforme des retraites est présenté, ce mercredi 15 mars, devant la commission mixte paritaire, des voix s’élèvent parmi les rangs des ancien·ne·s sportif·ve·s de haut niveau. Celles et ceux qui ont représenté le drapeau tricolore dans les plus grandes compétitions accusent aujourd’hui un manque cruel de reconnaissance.

“Il n’y a aucun corps de métier où vous retrouvez une telle inégalité entre les générations. L’une aura tout, les autres rien”. Pascal Éouzan, quadruple champion du monde de gymnastique acrobatique entre 1985 et 1994, dénonce l’inégalité qui frappe le système de retraite des sportif.ve.s de haut niveau. Depuis un décret de 2012, il leur est accordé seize trimestres, afin de compenser les temps d’entraînements. “Sauf que la loi n’est pas rétroactive. Cela crée inévitablement une distinction entre les sportif·ves d’avant 2012 et ceux d’après. Nous, on a zéro trimestre. La seule retraite qu’on a, on l’a obtenue en travaillant après notre carrière sportive, et elle est incomplète”. Il a lancé une pétition le 27 février, avec une dizaine d’autres champions et championnes français·es, qui a récolté depuis plus de 4 000 signatures.

“Les deux dernières années de ma carrière j’ai eu la chance d’avoir un sponsor et de cotiser, mais les sept autres années, je n’ai rien. C’est énorme sept ans, il me manque 28 trimestres”. En France, les sportif·ve·s de haut niveau ne sont pas reconnu·e·s comme travailleurs·euses et ne cotisent pas pour leur retraite, à l’inverse des sportif·ve·s professionnel·les, salarié·e·s d’un club.

Après la carrière, le précaire

La réalité des sportif·ve·s de haut niveau est méconnue du grand public. Beaucoup sont persuadés qu’ils et elles finissent millionnaires, alors qu’en réalité, 40 % vivent sous le seuil de pauvreté. Celles et ceux qui ont pratiqué avant 2012 se retrouvent aujourd’hui dans une impasse. La loi précédente et la prochaine, qui prévoit d’augmenter de seize à trente-deux le nombre de trimestre pris en charge, ne s’appliquera pas pour eux. Seule solution pour avoir une retraite pleine à 64 ans : racheter des trimestres. Un amendement  porté par le député Modem du Morbihan Jimmy Pahun, et repris par le gouvernement le 3 février. Pascal Éouzan l’a envisagé, mais le calcul est vite fait :  “J’en ai pour près de 200 000 euros pour avoir une retraite pleine.  Plus vous avancez en âge, plus le rachat de trimestre coûte cher. À 57 ans, je ne vais pas emprunter une telle somme.” 

Le mythe des sportif·ve·s privilégié·e·s

Chez les sportif·ve·s de haut niveau, la mobilisation est aujourd’hui très faible. En dehors de la pétition, peu d’actions sont entreprises. Cela peut s’expliquer par la crainte d’une réaction négative de la part des autres catégories professionnelles. Selon Mathilde Julla-Marcy, chercheuse en STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) à l’Université de Nantes, leurs revendications sont peu audibles : “ C’est dur à entendre pour les travailleurs les plus précaires qui sont sur les piquets de grève. Le problème, c’est que beaucoup de gens ne se rendent pas compte de ce qu’est le quotidien d’un sportif de haut niveau. Cette ambivalence entre la passion et le métier est partagée par les sportif·ve·s eux-mêmes. Pendant leur carrière, ils ont eu l’illusion d’être chanceux.se.s, de ne pas être à un poste de travail tous les matins. C’est après coup qu’ils se rendent compte que toutes ces années à ne pas cotiser les mettent dans une situation de précarité.”


Pour Pascal Éouzan, pas question de descendre dans la rue car “notre situation ne s’inscrit pas dans le débat actuel, nous n’avons pas de retraite. On a fait cette pétition pour avoir la même reconnaissance que les sportif.ve.s d’après 2012, cela passe par une égale répartition des trimestres . Nous, on en a pas un seul, il fallait qu’on se fasse entendre.” En dehors d’une minorité de joueur·se·s salarié·e·s par des clubs, les sportif·ve·s de haut niveau ne sont pas considéré·e·s comme des professionnel·le·s en France. Une différence notoire selon Mathilde Julla-Marcy : “Il existe d’importants syndicats dans le foot ou dans le rugby. Mais il n’y a pas de syndicats de spotif·ve·s de haut niveau, puisque par définition, ce ne sont pas des travailleurs. » La pétition lancée par Pascal Éouzan et d’autres champions et championnes a fait bouger les lignes, doucement : “On a des rendez-vous prévus au Ministère des sports. Des articles parlent de notre mouvement, ça bouge, on est entendu.e.s”

Arthur Picard @_arthurp_

Mathis Slimano @mslimano1

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