Ça y est, c’est fait… L’un des plus grands milieux de terrain de l’histoire quittera le FC Barcelone, sa maison de toujours, à la fin de la saison. Après une coupe du monde en guise de tournée d’adieu, il s’envolera surement vers la Chine et ses gros sous. Il laissera derrière lui un immense vide. Car personne ne peut détester Andrés Iniesta, même les plus grands détracteurs du Barca.
Stade Soccer City de Johannesburg, le 11 juin 2010. On joue la 116ème minute de la finale du mondial sud-africain. Bien servi par Cesc Fabregas, « Don Andrés » trompe le portier néerlandais Stekelenburg d’une demi-volée imparable et inscrit le but le plus décisif de l’histoire de la sélection espagnole. A cet instant, il est déjà un héros national. C’est déjà pas mal. Il exulte, ses coéquipiers se ruent sur lui. Il enlève son maillot. Sur son débardeur, cinq mots écrits en lettres capitales au marqueur bleu : « DANI JARQUE SIEMPRE CON NOSOTROS » (« Dani Jarque pour toujours avec nous »).
Dani Jarque, c’est l’ancien capitaine de l’Espanyol Barcelone, plus grand rival du Barca après le Real, décédé d’une crise cardiaque le 8 août 2009. Andrés Iniesta, ou comment se faire aduler par ses pires ennemis. Ce geste lui vaut depuis les acclamations de toutes les enceintes du pays, celle de l’Espanyol bien sûr, mais aussi du Santiago Bernabeu de Madrid. Chose exceptionnelle au vu de la rivalité séculaire qui existe entre les deux clubs, exacerbée par de longues années de dictature franquiste et le séparatisme catalan.
« Messi est le plus grand, mais Iniesta est celui qui joue le mieux au football »
Mais si celui qu’on surnomme l’« enfant-lune» , en référence à sa carrure chétive et son teint blafard, fait l’unanimité, c’est parce qu’il est le football, ni plus ni moins. Son palmarès est gargantuesque : une coupe du monde et deux championnats d’Europe avec la Roja, huit championnats d’Espagne (en attendant l’officialisation du neuvième), quatre Ligue des Champions, cinq coupes d’Espagne et cinq supercoupes avec le Barca… On s’arrête là non ? Car tout cela est presque secondaire. Si tout le monde l’aime Andrés, c’est parce que c’est lui qui nous régale. Messi est un extraterrestre, Ronaldo une machine de guerre. Lui, le plus élégant celui qui joue le mieux. Un esthète en somme. De par sa conduite de balle soyeuse, ses dribbles entre quatre ou cinq adversaires et ses passes téléguidées.
Juan Roman Riquelme, ex-star argentine du ballon rond, un esthète lui aussi, disait à son propos : « Messi est le plus grand, mais Iniesta est celui qui joue le mieux au football. Il sait quand il faut aller de l’avant, quand il faut repasser par l’arrière. S’il a la balle à gauche, il sait qui est à droite, il sait tout ce qu’il faut faire. Quand il faut trottiner, quand il faut mettre de la vitesse, quand il faut manœuvrer lentement. Et je pense que c’est la seule chose que l’on ne peut ni acheter, ni apprendre. On peut apprendre à taper dans le ballon, à contrôler la balle, mais pour être au courant de tout ce qui se passe sur le terrain, il faut être né avec ce savoir. » Iniesta, c’était ce petit rayon de romantisme dans un monde du foot de plus en plus obnubilé par les chiffres et les statistiques. On se consolera en se disant que les meilleurs partent lorsqu’ils sont encore au sommet. Comme Zidane, il finira sa carrière (soyons francs, jouer en Chine c’est une pré-retraite !) sur une Coupe du Monde. Quelle plus belle fin pour un tel monument ?