Marco* est né et a fait ses études à Mexico. Venu en France en 2016 pour se former à la sociologie, il est passé par le système d’admission Sciences Po, et a été intégré en master. Depuis deux mois, Marco est le témoin – et parfois l’acteur – des manifestations contre la réforme ParcourSup. Un écho à son militantisme de gauche, le même qu’il rêve pour le Mexique. Un témoignage sans filtre …
Le 19 Avril dernier,les étudiants ont manifesté à Bordeaux contre l’application de la réforme ParcourSup. Crédit photo: Mathilde Musset.
Tu as déjà participé aux manifestations étudiantes, notamment celle du 22 Mars. Sur quels points la contestation française te semble légitime ?
Je soutiens le blocage et je discute assez souvent avec certains camarades qui eux, sont directement et fréquemment engagés dans cette lutte. Je participe parfois aux conférences de la faculté. Les revendications formelles me semblent valables et justes : pas de sélection, amélioration des conditions pédagogiques, plus de places disponibles, etc. Sur les revendications informelles, comme l’incitation à former un front populaire avec d’autres mobilisations, ou encore réveiller les étudiants hypnotisés par le discours libérale et individualiste « je veux mon diplôme et je me fiche du reste », je pense qu’il est socialement positif de les gêner. En général je sens qu’il y a du vivant à travers ce mouvement, quelque chose qui réagit contre ce système de mort. Ce qui me motive à participer c’est le fait d’être loin du Mexique : je calme ma soif de militantisme. Aussi, je considère que ma participation, bien que partielle, à la mobilisation a la même valeur que ce que je pourrais faire au Mexique. La lutte est désormais globale. Elle l’a toujours été pour moi, mais aujourd’hui plus clairement.
Pendant tes années universitaires à Mexico, as-tu subi une forme de sélection ?
Dans mon pays, le système de sélection est dur car il y n’a pas beaucoup de places. La grande majorité des étudiants ne sont pas acceptés dans les universités publiques : depuis des décennies, c’est un vrai problème structurel de l’enseignement supérieur. En fait c’est pour ça que je m’engagea actuellement avec les étudiants. Avec cette réforme, la France sera condamnée à reproduire les erreurs du système « tiers-mondiste » : on arrête d’investir dans l’Éducation publique, il y a une prolifération des universités privées de mauvaise qualité, il y a plus de chômage, de délinquance, etc.
La réforme ParcourSup a été votée le 18 Février 2018. La contestation a ensuite s’est étendue à Toulouse, puis a gagné Bordeaux. Avais-tu pressenti les tensions sociales de la France jusque là ?
J’étudie la sociologie, alors je considère être bien renseigné en ce qui concerne la connaissance des dynamiques sociales à l’œuvre. En plus de cela, ma sensibilité politique, que je cultive depuis le Mexique, m’a prédisposé à me renseigner sur le sujet auprès de sources que je considère convergentes avec ma vision du monde, classée « gauche radicale ». Je me renseigne également auprès de certains proches, directement engagés, des visites sporadiques à la fac occupée de [la]Victoire et des journaux comme Révolution permanente ou L’Humanité.
Lors du débat télévisé, Emmanuel Macron a déclaré que les manifestants n’étaient pas des étudiants mais des « professionnels du désordre ». Les étudiants sont considérés comme des « casseurs » par une grande partie de l’opinion. Considères-tu que les méthodes employées par les jeunes français dans cette contestation soient bonnes ?
Je ne suis pas au courant de toutes les actions qu’ils mènent, mais je pense avant tout à l’occupation, aux AG [assemblées générales], et aux conférences à la fac. Alors oui, je pense que ce sont de bonnes stratégies. On aurait fait pareil au Mexique. En revanche, il n’y a pas que des étudiants dans le mouvement, c’est vrai. Cela montre le caractère convergent des luttes, mais aussi la participation peu intellectualisée de certains – et leur facilité à transformer la fac en bar, en ce printemps d’occupation.
*Le nom a été modifié à la demande de l’interviewé.
Propos recueillis par Mathilde Musset.