Il a fallu dix ans aux paysans du Larzac pour obtenir gain de cause. Au cours de la décennie 1971-1981, ils n’ont eu de cesse de réinventer les moyens de lutter contre l’extension du camp militaire qui menaçait leurs terres. Toujours en respectant le principe de la non-violence.
Ils allaient être expropriés, sans avoir été consultés. Les paysans du Larzac ne l’ont pas entendu de cette oreille. Quand Michel Debré, le ministre de Défense nationale, confirme en octobre 1971 que le camp militaire du Larzac, va être étendu, et menace l’exploitation de 103 paysans dans l’Aveyron, ceux-ci sont déjà prêts à résister. Ils ont créé dès le mois de janvier 1971 l’Association de sauvegarde du Larzac et de son environnement pour empêcher que le camp, situé sur la commune de La Cavalerie, ne puisse passer de 3 000 à 17 000 hectares.
La lutte connait son premier tournant avec le jeûne de Lanza del Vasto, militant pour la paix italien, en mars 1972. Au terme de ces quinze jours de privation, les paysans menacés par le projet s’engagent à ne pas quitter leurs terres, et à n’accepter aucune transaction. C’est cette solidarité qui va permettre aux larzacois d’user la corde, malgré les allers-retours de l’Etat.
Une lutte bien à eux
Vingt-cinq tracteurs se dirigent vers Paris. C’est de cette manière que les paysans ont choisi de répondre au préfet de l’Aveyron en janvier 1973, après qu’il ait signé le décret déclarant le projet militaire d’utilité publique. Plein de ressources, les larzacois créent en décembre 1973 un premier groupement foncier agricole.
En parallèle, ils construisent sans autorisation une bergerie au hameau de La Blaquière, zone sur laquelle le camp doit être étendu. Rejoints par des sympathisants, qui politisent leur lutte, les larzacois sont dépassés. Des militants écologistes et d’extrême-gauche viennent s’installer et démarrer des activités agricoles. Plus de 60 000 d’entre eux affluent sur la plateau du Larzac en août 1973. Ils sont venus célébrer la communion entre les luttes paysannes et ouvrières, comme le raconte l’Humanité.
Tout en poursuivant l’occupation et l’exploitation des terres acquises par l’armée, les paysans réitèrent leur serment de solidarité.En juin 1976, 22 paysans s’introduisent dans les bureaux du camp militaire et déchirent les dossiers d’achat de terres. Ils écopent de trois semaines de prison. Mais l’Etat reculer et parle désormais de « mini-extension » du camp militaire. Avant de faire volte-face en 1978 et de reprendre la procédure d’expropriation. C’est à pied que les larzacois gagnent cette fois Paris pour protester. Ce mois de marche est suivi par un campement d’une dizaine de jours sur le Champ de Mars.
Dans cette vidéo d’archive de l’INA, les paysans expliquent à quel point ils ont été dépassé par la mobilisation des militants
Il faut attendre l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en 1981 pour que le projet soit abandonné. En plus d’avoir triomphé, les larzacois obtiennent un statut particulier pour leurs terres. En 1985 nait la Société civile des terres du Larzac, et avec elle le fameux bail emphytéotique, qui court désormais jusqu’en 2083.
La lutte du Larzac en quelques étapes clé
Mélanie Volland