Les buralistes serein·es face à l’interdiction de la puff

Face à la future interdiction des puffs, les buralistes bordelais·es réagissent, mais ne s’en inquiètent pas. 

Au Tabac du Pont de Pierre, les client·es se succèdent, repartent avec leur tabac, journaux ou cigarettes électroniques. Derrière le comptoir, difficile de manquer les paquets colorés des puffs. Les étagères sont presque vides, l’établissement en vend beaucoup, « surtout aux jeunes, qui passent pour aller à Darwin le mercredi », indique Rebecca, la buraliste. L’interdiction, elle n’y croit pas. « lls ont déjà essayé d’interdire le CBD et on en vend encore. »

A l’initiative du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, l’arrêté du 30 décembre 2021 interdisait la vente de CBD, une substance non psychotrope issue de la plante de cannabis. L’arrêté a été annulé par le Conseil d’Etat le 24 janvier 2022 au motif que le CBD ne comporte pas de risques de santé publique. 

Les alternatives existent déjà. « On est pas du tout inquiets, les jetables vont être interdites mais on vend maintenant des équivalents rechargeables aux mêmes goûts« , complète-t-on au tabac du Cheval Bleu. La marque Liquideo propose déjà son nouveau modèle de « Wpuff rechargeable« , faite d’une batterie réutilisable bon marché et de « pods », capsules de liquide aromatisé à insérer. Le prix du « kit de départ« , accompagné de sa double recharge est inférieur à celui de deux cigarettes électroniques à usage unique. « Même si c’est interdit, les fabricants vont trouver autre chose et s’en sortir« , avise le gérant du tabac presse du cours Victor-Hugo.

La puff, une cigarette électronique à part

Malgré ce nouveau format, les puffs réutilisables se distinguent toujours des cigarettes électroniques classiques : elles sont moins chères, plus colorées et beaucoup plus sucrées. Mais selon les travaux préparatoires au projet de loi, l’interdiction pourrait également concerner des cigarettes aux batteries « rechargeables une ou deux fois« .

Les vendeur·euses de cigarettes électroniques classiques se félicitent de la nouvelle. « La puff est un concurrent énorme » constate Lenny, vendeur à GeneriClop, entre deux bouffées goût vanille. Les fabricant·es ont adapté leurs arômes : ils proposent du plus sucré et du moins cher, pour tenter de capter cette nouvelle génération de consommateur·rices. « Maintenant, certains clients arrivent pour trouver une alternative à la puff. » Quant aux aléas de la régulation, pas plus d’inquiétude : « On s’adaptera« .

Lenny, vendeur de cigarettes électroniques chez GeneriClop. Photo : Camille Ribot.

Réguler la vente en ligne

Le syndicat des buralistes français a conscience de la portée du débat. Mais des zones d’ombres persistent. « Je comprends l’initiative de l’interdiction de la puff pour le côté écologique  » explique Mélanie Mourisset, secrétaire de la fédération des buralistes de Gironde. Elle pointe la responsabilité des supermarchés, mettant en vente ce genre de produits que les plus jeunes peuvent se procurer facilement. « Dès qu’on parle de puff on pense directement aux buralistes, alors que les jeunes utilisent Internet et les réseaux sociaux« , ajoute-t-elle.

Pourtant, 9% des 13-16 ans déclarent avoir acheté une puff malgré l’interdiction de vente adressée aux mineur·es, et un tiers d’entre elles et eux estime qu’il est plus facile de s’en procurer auprès d’un bureau de tabac ou d’un ami, selon Alliance contre le tabac. Toutefois, les buralistes sont censé·es contrôler l’identité des mineur·es, ce qui n’est pas le cas dans les supermarchés ou sur Internet. Mélanie Mourisset rebondit : « Ce qu’on veut interdire en physique, il faut aussi l’interdire sur Internet ! Il faut plus de cohérence à ce niveau-là, sinon le problème ne sera pas résolu« .

Les buralistes invité·es à se diversifier 

Depuis 2018, l’État propose aux buralistes de se diversifier grâce à « l’Aide à la transformation des débits de tabacs« . Cette aide, qui devait se finir en 2022, a été prolongée jusqu’en 2027 par l’ex-ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal. Pour le moment, 4 426 des 23 300 buralistes français·es ont bénéficié d’une aide financière pouvant aller jusqu’à 33 000 euros.

Petite restauration à emporter, bar, relais colis postaux, vente de jeux de hasard, paiement de proximité : de nombreuses casquettes que les buralistes peuvent dorénavant porter, bien que le tabac représente encore 70% de leur chiffre d’affaires. Ce coup de pouce est un geste très apprécié dans le milieu. En plus d’une aide à la diversification des services proposés, les buralistes peuvent aussi bénéficier d’un financement pour des transformations intérieures et extérieures de leurs boutiques. « On se sent accompagné, l’État donne du crédit à notre métier et protège ainsi notre statut de commerce local« , conclut la syndicaliste girondine.

Corentin Teissier et Camille Ribot

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