Annie Carraretto : «  Le Ségur de la santé est un pansement sur une jambe de bois »

Annie Carraretto est militante bénévole et co-présidente du Planning familial de Gironde. Elle regrette l’absence d’investissements du Ségur de la santé dans les associations médicales de la région et rappelle leur rôle essentiel d’accompagnement et de prévention au quotidien.

Mercredi dernier, le ministre de la santé Olivier Véran a détaillé les investissements de l’Etat dans le cadre du Ségur de la santé. Ce sont donc 1,3 milliard d’euros qui sont dédiés aux hôpitaux de la région. Rien en revanche pour soutenir les associations comme le Planning familial. L’ensemble des acteur.ices de la santé alertent sur la situation préoccupante de l’hôpital public. Mais tous.tes déplorent le fait que les champs de la prévention, de l’information et du bien-être, dont le Planning familial fait partie, soient complètement mis de côté par l’Etat. Dans la même lignée, Annie Carraretto demande une nouvelle politique de la santé, cette fois comprise dans sa globalité.

Il y a un an, le Planning familial signait avec douze autres associations une tribune intitulée «  La santé, c’est plus que l’hôpital ! » en prévision du Ségur. Selon vous, il faudrait donc revoir les politiques de santé publique et consacrer davantage de moyens pour la santé du quotidien ? 

Annie Carraretto :  La santé du quotidien est essentielle et mérite davantage de reconnaissance. A Bordeaux, nous menons des actions de prévention, d’information et d’accompagnement des personnes. On s’investit surtout auprès des jeunes sur la question du consentement, du rapport amoureux, du plaisir et du désir.  Notre rôle d’accompagnant local est primordial. C’est ce que la pandémie a révélé l’année dernière. Nous avons maintenu nos activités, notamment afin de pouvoir répondre aux problématiques autour des questions de violences ou de l’IVG. Le Planning est une association militante, féministe et populaire mais nous assurons une mission de service public, sans être reconnu.es comme tell.es.

Comment expliquer que vous ayez été contraint.es de lancer, pour la première fois, une campagne de dons il y a un mois ? 

A. C : Cette année, nous avons une trésorerie en déficit de 40 000 euros. Il y a deux raisons essentielles à cela : la suppression des financements liés à certains projets qui n’ont pas pu se tenir et l’augmentation des demandes du fait de la crise sanitaire. On se retrouve donc avec des subventions qui ne sont pas maintenues. Cette situation est assez usante quand on est bénévole, j’ai l’impression de passer mon temps à demander de l’argent. Mais il faut y croire : notre campagne fonctionne puisque nous sommes à 60% des 20 000 euros sollicités. Cela démontre bien que les sujets que nous portons concernent beaucoup de monde. 

Qu’attendez-vous des institutions qui vous soutiennent déjà ? 

A. C : Il faudrait augmenter les subventions, notamment celles de l’Agence régionale de Santé, pour nous comme pour tous nos partenaires associatifs. On croule sous les demandes et c’est un crève-cœur que de ne pas pouvoir y répondre. On voit bien que les combats que l’on mène préoccupent de plus en plus la société civile : c’est maintenant qu’il faut foncer ! Au niveau local, par exemple, on tente d’aborder ces sujets avec les députés et les politiques que l’on rencontre. 

Cette semaine, on a appris que le projet de loi sur le renforcement de l’IVG allait bientôt être voté au Sénat. Bien que vous risquiez la fermeture par manque de financements, vous continuez à militer pour défendre ce projet. 

A.C : Plus que jamais, c’est un combat que nous portons : l’avortement est un vrai sujet. Un certain nombre de femmes ayant dépassé le délai légal nous sont envoyées par les hôpitaux. Elles poussent les portes de notre établissement avec pour objectif d’aller se faire avorter en Espagne. Le gouvernement se dit très européen mais il n’est pas capable de s’aligner sur les autres pays. Rien ne peut empêcher une femme d’avorter quand elle a fait son choix : notre mission est de les accompagner. Mais comment faire sans argent ni soutien ?  

Propos recueillis par Salomé Chergui

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