Coronavirus : la diffusion incontrôlée des théories du complot

Sur Facebook et Twitter, les théories du complot font rage depuis le début de la médiatisation du coronavirus. Chacun y va de son avis : les Chinois chercheraient à détourner l’attention de la crise à Hong-Kong, les Américains auraient inventés le virus … Mais tous reprennent un même refrain : d’importantes puissances cacheraient la vérité sur cette épidémie.

Point de départ de toute théorie complotiste : « attribuer à des forces secrètes ou occultes la marche du monde » explique Didier Desormeaux, ancien rédacteur en chef de France Télévisions et auteur de Le complotisme : agir et décrypter. Des théories devenues au fil de l’histoire indissociables des épisodes épidémiques. De la peste noire à Ebola en passant par le sida et la maladie de Lyme, retours sur quelques cas marquants : 

Un contexte idéal pour les complotistes

« Le virus, c’est en quelque sorte la Rolls du complot », souligne Didier Desormeaux. Les caractéristiques essentielles de la théorie complotises, « Les quatre P », y sont regroupés : un phénomène planétaire – qui affecte tout le monde -, un mouvement de peur, un risque physique et un rôle des pouvoirs en place. « Derrière le complot épidémique, il y a l’idée que l’on cherche à nous empoisonner »

Loin de chercher la vérité, les complotistes empruntent malgré tout à la méthode scientifique. « En science, le chercheur formule une hypothèse et la vérifie ensuite. Un complotiste se fixe une idée, et ne retient que les arguments qui viennent la prouver ». C’est le cas en ce moment avec la fausse information, relayée abondamment, selon laquelle le coronavirus aurait été breveté aux États-Unis en 2018, avant le début d’épidémie. Une vérification rapide permet cependant de constater que si un tel brevet a en effet été déposé, il ne s’agit pas du coronavirus mais d’un virus de la même famille.

On peut vite avoir l’impression d’être dans The Walking Dead”

De quoi rendre d’autant plus difficile le travail de fact-checking déployé par certains journalistes. « Les fact-checkeurs s’adressent aux gens qui leur font confiance. Mais les adhérents aux théories complotistes mettent rarement en doute leurs idées ». Autre écueil dans la lutte anti-complot : les réseaux sociaux. Affichée sur le web, la théorie complotiste circule aussi librement que les informations de sources officielles. Là où les institutions publiques bénéficiaient un temps d’un monopole de communication sur les sujets de santé publique, leur parole est désormais concurrencée par celle d’internautes.

En prime, internet a permis aux thèses complotistes d’atteindre un public bien plus large qu’avant. « Pendant longtemps, les populations réceptives à ces théories étaient identifiables et il s’agissait généralement d’individus marginalisés. Aujourd’hui, identifier le type de personnes susceptibles de croire en des théories du complot est presque devenu impossible ».

Cette diffusion incontrôlée n’est pas sans conséquences. “On peut vite avoir l’impression d’être dans The Walking Dead. Tout le monde commence à apparaître comme un danger”. Les théories du complot entraînent avec elles une méfiance et un doute généralisés, et mènent parfois à la stigmatisation de certaines communautés. Aux États-Unis, les populations noires et homosexuelles – accusées de porter et propager le sida – ont très longtemps payé le prix de ces idées reçues.

Victor Goury-Laffont

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