« Batman v Superman » loin d’être girlfriendly

Le film de Zack Snyder ne fait pas des femmes de banals objets sans consistance. Mais il ne leur rend pas honneur comme aux hommes. Petit tour d’horizon avec le test de Bechdel.

Le titre du film est explicite : Batman v Superman a pour sujet deux hommes. Mais cela n'excuse pas son traitement des femmes.
Le titre du film est explicite : Batman v Superman a pour sujet deux hommes. Mais cela n’excuse pas son traitement des femmes.

 

Batman v Superman, c’est la confrontation musclée entre deux héros de l’univers DC comics. Le premier craint les pouvoirs sans limite du second et veut le mettre hors d’état de nuire. S’engage un combat entre l’humain et le demi-dieu sous la houlette névrosée de Lex Luthor.

Aucun prénon féminin dans ce résumé. De quoi se poser des questions quant à la place des femmes dans ce film.

Batman v Superman et le test de Bechdel, cela fait deux. Ce concept a été inventé en 1985 par Alice Bechdel pour déterminer si une oeuvre est centrée sur les hommes. Le tout à travers trois questions simples :

  • Est-ce qu’il y a au moins deux personnages féminins dont on connait le nom ?
  • Est-ce qu’elles se parlent à un moment du film?
  • Est-ce qu’elles se parlent d’autre chose que d’un homme?

Comment s’en sort Batman v Superman : L’aube de la justice ? Mal.

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En fait, on peut considérer qu’il y en a quatre. Et ce sont des figures dans l’ensemble stéréotypées : la juste conduite sur l’hôtel du sacrifice ; la dame avec un mystère à résoudre ; la mère et la compagne. D’autres femmes possédant un prénom sont présentes dans le film, mais elles font figuration et ne bénéficient d’aucun développement personnel.

Ces quatre dames souffrent d’un problème régulièrement reproché aux films de superhéros : elles sont cantonnées à des rôles type.

La sénatrice Finch n’a pas le droit à un prénom. C’est une femme de pouvoir, qui veut résoudre les conflits par la discussion plutôt que la violence. Quitte à en payer le prix.

Wonder Woman, dont les vêtements de soirée dévoilent à outrance son anatomie, est beaucoup filmée de dos pour profiter de sa chair nue. Indépendante avec des qualités guerrières, elle l’est. Femme-objet servant les fantasmes aussi.

Martha Kent tient le rôle de mère, comme dans le précédent film. Elle est le soutien moral dont a besoin son « surhomme » de fils. C’est pour elle que Superman plie les genoux et chute. C’est beau. Mais cela reste le stéréotype « damoiselle/mère en détresse ».

Loïs Lane est sans doute le développement le moins linéaire du film. Et le plus intéressant. C’est un aimant à problèmes très utile pour amener Superman devant l’écran. Fort heureusement, son rôle va plus loin. Là où les trois précédents personnages féminins réagissent en fonction des événements, Loïs Lane est pro-active, au sens héroïque du terme. Elle mène ses quêtes dans son coin et n’attend par l’aide de Superman. Parfois, elle réussit et d’autres fois, elle échoue. C’est sans doute ce qui fait d’elle le personnage le plus humain du film et celui auquel on s’identifie le plus.

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Mais la croix rouge n’est pas loin. L’unique discussion en question dure moins de 20 secondes. Sur un film de plus de deux heures trente.

Pourtant, les personnages féminins se croisent à plusieurs reprises dans le film. Mais elles interagissent avec les hommes. Ces discussions ne sont pas inintéressantes et font avancer l’intrigue. Malgré tout, il faut garder en tête que les discussions homme/homme sont légions dans le film.

Cela pose la question du nombre comparatif d’hommes et de femmes dans l’œuvre. En se basant sur le casting officiel, il s’avère que sur 57 personnages répertoriés, 19 sont des femmes pour 38 hommes. Les messieurs sont donc deux fois plus nombreux que les dames. 

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L’unique discussion entre deux femmes du film porte bel et bien sur un homme. Afin d’éviter d’être injuste, inversons la logique. Est-ce que les hommes du film, lorsqu’ils discutent entre eux, parlent des femmes ? Ça leur arrive. Toujours à propos de leur mère.

Un film dans la continuité de ses prédécesseurs

Batman v Superman est loin d’avoir un traitement honteux des femmes par rapport à d’autres films de superhéros. Le temps à l’écran des dames est correct et elles sont loin d’être des nunuches. La vision stéréotypée de leur rôle vient en partie du scénario du film : débordant de symbolique et manquant d’innovation.

Il est tout de même dommage de constater que la représentation des femmes dans les films de superhéros évolue à la vitesse d’un escargot. Si les adaptations de comics ont régulièrement embrassé la défense de causes sociales – à l’instar des X-men –, la mise en avant des femmes n’est pas un élément prépondérant. Il existe dans DC et Marvel des séries de comics dédiées à des superhéroïnes aux caractères et histoires de qualité.

Catwoman (DC), Miss Marvel (Marvel), Batgirl (DC), Black Widow (Marvel) : les héroïnes souvent utilisées comme coéquipières au lieu de posséder leur propre film.
Catwoman (DC), Miss Marvel (Marvel), Batgirl (DC), Black Widow (Marvel) : les héroïnes souvent utilisées comme coéquipières au lieu de posséder leur propre film.

 

Plusieurs catastrophes critiques comme les films Elektra et Catwoman n’ont pas aidé la mise en avant des femmes dans les films de superhéros. Cependant, il existe aujourd’hui une prise de conscience qui s’illustre surtout à travers des séries télévisées centrées autour de superhéroïnes. Jessica Jones a été un succès critique et populaire ; Supergirl a trouvé son public et s’émancipe peu à peu de l’ombre de son cousin Superman.

Le film Wonder Woman est prévu pour 2017. Il sera le premier du genre à sortir depuis Elektra en 2005. A noter également que depuis le reboot de la saga Marvel au cinéma en 2008 avec Iron Man, 23 films ont été réalisés ou sont en cours de gestation. Aucun d’eux ne se concentre sur une femme.

Camille Mordelet

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