Plus de 58 millions d’articles publiés en 330 langues, l’encyclopédie en ligne fête ses vingt ans avec l’assurance d’avoir atteint un idéal, celui de rendre le savoir gratuit et universel. Le succès de cette bibliothèque d’Alexandrie 2.0 est garanti par le travail rigoureux de ses contributeurs.
Wikipédia fête ses vingt ans. Né le 15 janvier 2001, cet outil désormais incontournable avait pour but de rendre accessible le savoir au plus grand nombre. Première source d’informations des curieux, le projet a connu dans ses premières années la défiance des milieux universitaires et intellectuels. Perçue comme une source peu fiable, l’encyclopédie a su gagner la confiance du public et fédère aujourd’hui 4 millions de visiteurs par jour en France. Sa longévité s’explique par l’accès gratuit qu’elle offre aux internautes et par l’engagement de ses lecteurs-contributeurs. La communauté française rassemble quelques centaines de passionnés, souvent retraités ou universitaires. Sans hiérarchie entre les wikipédiens, des rôles sont attribués à certains membres pour réguler la plate-forme, tel celui d’administrateur.
Sylvain Machefert, informaticien pour les bibliothèques de l’Université Bordeaux Montaigne, est l’un d’entre eux. Il est par ailleurs contributeur depuis 2004, ayant participé aux articles sur le Pont de Pierre et sur la Place Gambetta. “Quand j’étais étudiant, je passais des heures à écrire des articles Wikipédia”. Sylvain contribue essentiellement à des sujets locaux ou en rapport avec son métier. Il fait partie de la Cubale, un collectif d’une dizaine de Bordelais, mûs par la volonté de se rencontrer physiquement afin de partager leurs idées. Ils se réunissent une fois par mois à la médiathèque de Mériadeck. Sylvain intervient en outre auprès des bibliothécaires dans le cadre l’initiative #1Lib1Ref (“One Librarian, One Reference”). Cet événement mondial, qui a lieu tous les 6 mois, permet aux utilisateurs de Wikipédia dans les universités, documentalistes ou étudiants, de mieux comprendre l’envers du décor. L’Université Bordeaux Montaigne organise une visio-conférence jeudi 21 janvier.
Les femmes sous-représentées
Ce passionné pointe des failles. Le nombre de contributeurs stagne depuis quelques années et ne se renouvelle pas. Les universitaires et retraités sont sur-représentés. Les femmes sont minoritaires, 20% contre 80% d’hommes. Il déplore aussi un manque de bienveillance : “Les nouveaux contributeurs ne maîtrisent pas bien les codes de la communauté. Certains anciens, plutôt que de leur apprendre, retouchent ou suppriment leurs contenus de manière directive”. De quoi les décourager et restreindre la communauté à un “vase clos”. La plate-forme est également menacée par les fiches info, une fonctionnalité de Google qui affiche les informations de Wikipédia sans aller sur le site. “ C’est pratique pour les internautes, mais ça leur donne moins envie de nous rejoindre.”
Au fur et à mesure du développement de la plate-forme, les articles publiés se complexifient et deviennent très techniques, à l’inverse du projet de départ. Pour mettre la lumière sur ses rouages, Rémi Mathis, contributeur depuis 2007 et président de Wikimédia entre 2011 et 2014, publie un livre intitulé Wikipédia, dans les coulisses de la plus grande encyclopédie du monde, à l’occasion des 20 ans. “ Je me suis rendu compte que son fonctionnement n’était pas bien compris par le grand public.”
“ Les fake news, un phénomène social”
Wikipédia est aussi pris dans le tourbillon des fake news. Pour contrer cette tendance, Rémi Mathis explique le principe de « neutralité » de la plate-forme. « On ne cherche pas la vérité mais la connaissance des choses ». Un article sur les vaccins par exemple ne cacherait pas les certitudes de certains et en ferait état. Une bonne chose pour lui, car « les fake news sont un phénomène social. »
Wikipédia est aussi un phénomène social, qui dure depuis 20 ans. Une longévité exceptionnelle sur internet, a fortiori avec un modèle économique basé sur les dons. Grâce à la richesse de ses contenus, la plate-forme devrait avoir de longues années devant elle. Fidèlement à l’esprit de liberté qui lui est propre, les informations de Wikipédia sont enregistrées sur la licence Creative Commons, un réseau de données libres de droit. Même si elle était amenée à disparaître, son héritage lui survivrait. Le savoir des wikipédiens est ainsi éternel.
Crédit : Rémi Mathis
Anthony Derestiat (@Anthony_Derest) et Anaëlle Larue (@anaellelre)