À l’occasion de la semaine de la Francophonie, Imprimatur vous fait voyager sur les cinq continents, du lundi au vendredi, à la rencontre de nos voisins francophones. Au programme, reportages et découvertes de ces communautés qui font la richesse de notre langue.
Aujourd’hui, direction la Belgique. Chaque année, à l’occasion de la semaine de la Francophonie, la communauté francophone met en avant sa langue à travers des événements organisés sur tout son territoire. Un concept unique, à l’heure où les tensions liées à la langue se multiplient dans le plat pays.
Ses 17 000 habitants seulement n’auront pas empêché Péruwelz de devenir, le temps de quelques jours, une véritable capitale de la francophonie. La petite ville, frontalière de la France, a été désignée Ville des mots 2016. Pendant une semaine, la ville se transforme pour rendre hommage à la langue de Molière. « Chaque année, la ville désignée accueille un concentré d’activités et de festivités, précise Nathalie Marchal, directrice du Service de la langue française au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’institution représentative de la communauté francophone de Belgique. On lui demande de créer un véritable décor urbain dédié à la langue française ». Enseignes des commerces, plaques de rue : tout l’affichage public est détourné.
Objectif de l’opération : « valoriser la création linguistique des francophones. Nous voulons rappeler que le citoyen n’est pas locataire de sa langue, c’est lui qui crée de nouveaux mots. La langue française est un outil vivant, et c’est l’usager qui en est le créateur ». Nathalie Marchal prend l’exemple des nouveaux mots qui, chaque année, font leur apparition dans les dictionnaires. En 2016, des termes tels que « selfie », « dédiabolisation » ou encore « zadiste » ont été acceptés par le Larousse ou le Petit Robert.
Les conflits linguistiques, une affaire de politiques
Ces festivités s’inscrivent pleinement dans les actions menées par le Service de la langue française, qui cherche à ce que « de plus en plus de locuteurs s’approprient leur langue », comme le résume sa présidente. Et ce, alors que les accrochages liés à la question linguistique se sont multipliés ces dernières années dans un pays que Nathalie Marchal qualifie elle-même d’« articifiel ».
La montée en puissance de la Nieuw-Vlaamse Alliantie (Alliance néo-flamande, N-VA), le parti nationaliste flamand de Bart De Wever, dont cinq membres sont aujourd’hui au gouvernement, a provoqué un regain de tensions. Parfois pour des motifs qui peuvent paraître assez dérisoires. En 2013, l’une de ses députées s’était indignée des chiffres de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), dont le site internet décomptait plus de 8 millions de francophones sur… moins de 11 millions de Belges. « Il s’agit, de la part de certains cercles francophones, d’un manque flagrant de loyauté à l’égard des Flamands », avait-elle déclaré. L’OIF chiffrait en réalité le nombre de « locuteurs de français », et tenait donc compte des nombreux Flamands maîtrisant les deux langues…
Pour Nathalie Marchal, ces disputes restent avant tout une affaire d’hommes politiques. « Ça ne reflète pas vraiment l’état d’esprit de la population. Entre Flamands et francophones de Bruxelles, les relations sont assez bonnes ». Malgré tout, pour la directrice du Service de la langue française, on se dirige, à plus ou moins long terme, vers une séparation entre Flandre et Wallonie. « Mais la situation est inextricable. Comment faire pour partager tout ce qui a été financé par l’État fédéral sur les pôles économiques flamands ? Et pour l’aéroport de Bruxelles ? » Sans parler de la situation de la capitale elle-même, située en Flandre mais majoritairement francophone.
En attendant, la pluie de mots qui s’abat depuis quelques jours sur Péruwelz est bien loin de ces soucis.