À l’occasion de la journée nationale d’action des retraité·es, une manifestation était organisée ce mardi 26 mars à Bordeaux, à l’appel de six syndicats locaux. Plus d’une centaine de personnes était présente : un effectif modeste, mais qui reste déterminé.
Dans le cortège de parapluies, banderoles et panneaux s’élèvent. Malgré le mauvais temps, une centaine de personnes a défilé au départ de la place Pey-Berland (Bordeaux), dans le cadre de la journée nationale d’action des retraité·es. Lancée le 14 mars à l’appel de neuf syndicats dont six locaux (Union confédérale des retraités CGT, Force Ouvrière, Fédération Solidaire Unitaire, Solidaires, Fédération Générale des Retraités de la Fonction Publique et Loisirs et Solidarités des Retraités), la manifestation avait pour maître mot la défense du pouvoir d’achat.
Lors d’un entretien avec Le Parisien, le 26 septembre dernier, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, avait annoncé une revalorisation de 5,2% des pensions de retraite au 1er janvier 2024 pour compenser l’inflation. Une évolution largement insuffisante pour les syndicats, qui réclament une revalorisation minimale immédiate de 10%.
L’inflation et la santé au coeur des préoccupations
Depuis 2000, les réformes successives n’ont pas su répondre aux attentes des retraité·es, qui déplorent une dégradation de leur situation financière. Au point que certain·es sont contraint·es de retourner sur le marché du travail. En principe, la loi Fillon de 2003 prévoit une revalorisation annuelle des pensions des régimes de base en fonction de l’évolution des prix à la consommation. Mais les modalités de calcul et le calendrier de revalorisation ont changé au gré des gouvernements, avec un durcissement notable dès l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Résultat : si l’inflation a atteint 17% en moyenne depuis 2017, les pensions, elles, n’ont augmenté que de 7,9% sur la même période, selon les estimations de l’intersyndicale. « Vous imaginez ce que ça représente pour des personnes qui ont 800 euros de retraite tous les mois ? », interpelle Tony N., ancien cheminot syndiqué à Force Ouvrière. « À ce rythme-là on ne vit pas, on survit ».
L’exigence d’une revalorisation de 10% des pensions est aussi motivée par la difficulté d’accès aux soins pour les retraité·es, surtout les plus précaires. « Les hôpitaux sont saturés, les EHPAD sont en sous-effectif, et les établissements de santé de proximité ferment les uns après les autres », dénonce Patrick Faucouneau, secrétaire général de l’Union régionale Force ouvrière de Bordeaux. Ces problèmes structurels se conjuguent avec une difficulté croissante à assumer les frais médicaux sans recourir aux complémentaires santé payantes. Les syndicats plaident donc pour un « 100% sécu », notamment en ce qui concerne les franchises médicales.
Entre résignation et action
Mais si les revendications étaient nombreuses ce mardi, on ne peut pas en dire autant des voix qui les ont portées. La centaine de retraité·es présente à la manifestation, constituée majoritairement de syndicalistes, était bien loin des 1000 participant·es attendu·es. La maigreur des effectifs est d’autant plus flagrante qu’il y a tout juste un an, la contestation autour de la réforme des retraites avait bénéficié d’un ralliement exceptionnel: des actif·ves et même des étudiant·es s’étaient mobilisé·es. La manifestation bordelaise du 23 mars 2023 avait ainsi réuni 110 000 personnes selon les syndicats et 18 200 selon la préfecture.
Certes, la météo de ce mardi n’a pas aidé à motiver les troupes, mais cela n’explique pas tout. « Le déni de démocratie qu’on a connu avec les 49-3 du gouvernement a provoqué beaucoup de résignation » estime Nathalie Neveu. Cette syndiquée FSU, habituée des manifestations depuis les années 1990, a constaté l’essoufflement de la mobilisation, après une effervescence liée à la réforme. « Pour ceux qui vivent dans la misère au quotidien, manifester est de moins en moins la priorité ».
Françoise Hernandez porte une voix plus optimiste au sein du cortège. Pour elle, les grandes contestations contre la réforme ont aussi constitué une rampe de lancement pour visibiliser les retraité·es, y compris dans le reste de la société. « Pendant la réforme, on a compris que notre voix comptait, et ça a motivé ».
Pour Damien Bucco, sociologue spécialiste du syndicalisme chez les retraité·es, l’enjeu de la mobilisation est plus large : « Il y a une dimension altruiste à leur action », note-t-il. « Quand ils se battent pour les retraites, ils se battent aussi pour les générations à venir. Cela se retrouve constamment dans les discours des syndicats ». En témoignent les slogans scandés dans les rues bordelaises ce mardi : « Les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère ».
Quand la marche prend fin, à Mériadeck, c’est une ambiance festive qui règne. Françoise Hernandez, tout sourire alors qu’un de ses camarades jette des confettis sur la foule, tient à saluer le travail accompli : « En réalité, le plus important pour nous, c’est d’être vus ».
Justine Manaud