Samedi 27 février 2021, à l’occasion du match Bordeaux-Metz, les Ultramarines se sont réunis devant le Matmut Atlantique pour rappeler à la direction des Girondins leur opposition, frontale depuis plus d’un an. Les images de l’attaque du centre d’entraînement de l’OM par les Ultras marseillais sont encore dans toutes les têtes. Peut-on envisager pareil scénario à Bordeaux ?
Rien ne va plus aux Girondins, qui ont concédé samedi 27 février contre Metz (1-2) leur sixième défaite sur les sept derniers matchs. La rencontre a surtout été marquée par une nouvelle manifestation des Ultramarines, venus devant le Matmut Atlantique pour mettre la pression aux joueurs et au président Frédéric Longuépée, dont ils réclament le départ depuis plus d’un an.
Ce nouvel épisode d’une longue série de tensions fait écho à un autre club historique du football français. Situation sportive délétère, propriétaire américain et divorce consommé entre direction et Ultras : l’Olympique de Marseille se trouve dans une situation similaire. Une tension poussée à son paroxysme lorsque 400 supporters ont violemment envahi la Commanderie, le centre d’entraînement du club, le 31 janvier dernier.
De quoi donner des envies aux Ultramarines ? Pas vraiment selon Florian Brunet, porte-parole du groupe : “Marseille, c’est Marseille et Bordeaux c’est Bordeaux ! Ce sont deux villes différentes avec une culture différente, une mentalité différente, des valeurs différentes, des groupes Ultras différents… Il n’y a absolument rien de comparable, à part un président qui cristallise toute la colère, Jacques-Henri Eyraud chez eux et Frédéric Longuépée chez nous.”
« Des types que l’on ne connaît ni d’Ève ni d’Adam vont nous dire comment nous comporter, alors qu’on est là depuis qu’on est gamins ! »
Le contexte bordelais ne se prête historiquement pas à ce genre de pratiques. Bastien Poupat, journaliste co-auteur du livre “Ultra, mode de vie” et ancien membre des Ultramarines, refuse également le parallèle : “À Marseille, les Ultras ont toujours eu des liens étroits avec le club, sur le modèle argentin. Ce sont eux qui ont pris en main la vente des places dans leurs tribunes et la commercialisation de leurs produits dérivés.” C’est la volonté du président Eyraud de reprendre le contrôle sur les virages qui a mis le feu aux poudres. “À Bordeaux, les Ultras ont toujours prôné une autonomie totale par rapport au club, qui s’occupe lui-même de la billetterie. Le conflit à Bordeaux n’est pas parti des mêmes bases.”
Le catalyseur du conflit côté Girondins, c’est la mise à l’écart de David Lafarge, directeur de la sécurité du club, par Frédéric Longuépée. “Une tribune, c’est une micro-société, avec son histoire, sa culture et ses codes, explique Florian Brunet. On avait une organisation en place avec David, que l’on connaît depuis 20 ans. On était un exemple parmi les Ultras en France, avec aucun envahissement de terrain, aucune violence et aucun fumigène sur le terrain à Bordeaux.” Les rapports club-ultras reposaient sur une confiance mutuelle : “On gérait notre tribune nous-mêmes sans que les stadiers n’aient besoin d’intervenir, ils nous laissaient notre liberté d’expression et c’est quelque chose que Longuépée a détruit. Maintenant, on va avoir des types, que l’on ne connaît ni d’Eve ni d’Adam, qui vont venir dans notre tribune pour nous dire comment nous comporter alors qu’on est là depuis qu’on est gamins. À la réouverture des stades, on va au devant de gros problèmes.”
Des gros problèmes, mais la ligne rouge marseillaise ne devrait pas être franchie : “Je dis toujours aux Bordelais qui jalousent ce qui s’est passé à Marseille que le prix à payer, c’est 5 mecs en taule pendant 3 semaines (8 ont été initialement arrêtés mais 3 furent rapidement libérés, ndlr). Ce prix-là, on est pas prêts à le payer et je n’aimerais pas être à la place des leaders marseillais qui se regardent dans la glace le matin alors que des gens sont en prison à cause de leurs actions. On est très fiers de nos propres actions, qui resteront dans l’histoire du club.”
Le club en vente ?
Alors, quelle issue à cette crise ? Les supporters sont unanimes (contactés, le club et la mairie de Bordeaux n’ont pas répondu à nos sollicitations), la hache de guerre ne pourra pas être enterrée entre la direction des Girondins et les Ultras, avec qui le dialogue est rompu depuis septembre 2019. Le seul moyen de ramener de la sérénité semble être un départ de l’actionnaire King Street et du président Longuépée. Un départ qui pourrait se préciser, car King Street chercherait, d’après une information de France Football publiée mardi, à se débarrasser d’un club au bord du redressement judiciaire et devenu un fardeau pour le fonds d’investissement. Bordeaux accuse en effet un déficit de 80 millions d’euros, pour un budget estimé à… 70 millions !
Depuis novembre 2020, crise économique oblige, les règles financières des clubs professionnels ont été assouplies. Si le club était placé en redressement judiciaire, il ne serait plus automatiquement relégué en ligue 2, voire plus bas, comme ce fût le cas pour Strasbourg en 2011. Cette issue est privilégiée par les Ultramarines car elle contraindrait King Street à céder ses parts à ses créanciers, et donc à quitter les commandes du club.
Ce mercredi 3 mars (21h), les Girondins reçoivent le Paris-Saint-Germain. Pas l’adversaire idéal pour se redonner des couleurs quand on est en pleine crise…
Crédit photo : UB87
Par Anthony Derestiat (@Anthony_Derest) et Nicolas Azam (@Nico_Azm)