Depuis les annonces d’Emmanuel Macron le 26 novembre de garder les universités fermées jusqu’en février, la communauté universitaire se mobilise pour un retour des étudiants dès janvier. Plus largement, elle se sent méprisée face à des mesures incomprises. Les appels à éviter une “crise étudiante” se multiplient.
“On a l’impression d’être la dernière roue du carrosse”. Le président de l’université Bordeaux Montaigne, Lionel Larré ne comprend pas la décision du gouvernement. L’université se retrouve reléguée au dernier rang, après les commerces, les cinémas et les restaurants. A tous les niveaux, le mal-être du distanciel fait des ravages. Et la grogne monte. La communauté universitaire est unanime sur la nécessité d’accueillir des étudiants dès janvier avec un protocole sanitaire adapté. Alors que les communiqués des collectifs d’enseignants et d’étudiants se multiplient, faisant écho aux articles sur la détresse des étudiants, les représentants de la Conférence des présidents d’universités (CPU) s’apprêtent à rencontrer Madame Frédérique Vidal, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans quelques jours. Le cahier de doléances sera bien lourd.
A la fois génération sacrifiée et boucs émissaires, les étudiants subissent une forte stigmatisation. ”On identifie les universités comme des lieux favorables à l’apparition de clusters” explique Kévin Dagneau, vice-président étudiants de l’université Bordeaux Montaigne. Il regrette que les étudiants soient désignés comme les responsables de la propagation du virus. Au contraire, “ils se sont révélés raisonnables et proactifs dans la mise en place des mesures sanitaires”, note Lionel Larré.
Un avenir ébranlé
Sur le plan pédagogique, les inquiétudes sur la détresse des étudiants s’accumulent. « Beaucoup abandonnent parce que c’est difficile d’organiser son temps de travail dans ces conditions” remarque Kévin Dagneau. L’université reçoit “plusieurs dizaines de messages par semaine” d’étudiants durement éprouvés par cette formule d’enseignement, soit “deux fois plus de messages, comparé à la période de mi-mars à fin-avril [2020] ». Des premières années de licence, aux doctorants et « Erasmus », aucun n’est épargné.
“ Il y a un décrochage massif et ce, même chez les plus motivés habituellement”, constate Manon Delobel, chargée de cours en philosophie. Cette dernière a signé une tribune parue dans Libération. Avec un collectif d’enseignants et d’étudiants, elle dénonce une “crise sanitaire et pédagogique” qui “menace l’avenir de la jeunesse”. En prime, le gouvernement adopte une loi sur la programmation de la recherche “au détriment d’un refus unanime contre la réforme, précise Manon Delobel.
“Nous allons au-devant d’une autre épidémie”
« Nous allons au-devant d’une autre épidémie qui serait un trouble psychologique chez les étudiants, alerte le président de l’UBM. Malgré des initiatives pour accompagner les plus précaires d’entre eux, certains se heurtent à une barrière de l’accès internet ou n’osent pas “appeler à l’aide”. Les explications manquent lorsqu’ils observent “l’inégalité de traitement entre les universités et tous les autres instituts d’éducation”. “Les classes prépas sont ouvertes sous prétexte qu’elles se trouvent dans des lycées qui eux-mêmes accueillent des lycéens, raconte le VP étudiants.
Angoisse, amertume, les raisons de la colère sont nombreuses. “C’est dur d’avoir 20 ans en 2020” concédait Emmanuel Macron en octobre dernier. Les étudiants ne diront pas le contraire.
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Lucile Bihannic et Ludivine Ducellier