A l’occasion du retour de la série américaine Prison Break, Imprimatur s’est interrogé sur la représentation de la réalité à travers la fiction.
« Les séries télévisées contemporaines, particulièrement les séries américaines ont transformé le rapport entre le monde d’un côté et la fiction de l’autre… en créant un niveau propre, leur niveau de réalité » écrit le sociologue Hervé Glevarec dans un article sur le régime fictionnel contemporain. Dans la série Prison Break, certains codes propres à l’univers pénitencier ont été retranscrits : trafics en tout genre, accointances, abus de confiance, trahisons, magouilles, surpopulation carcérale, émeutes, évasion, etc. Mais que révèlent tous ces éléments de la représentation de notre société ?
Éric Macé, sociologue et directeur adjoint du Centre Emile-Durkheim explique que « la fiction construit un monde dans lequel on s’immerge et à partir de là, elle fait des propositions d’expériences, d’identification à des personnages…mais il ne faut surtout pas penser que la fiction est le reflet de la société ». Elle ne décrit pas la réalité telle qu’elle se présente. La fiction a sa propre logique, sa logique narrative. Les personnages sont mis en scène et confrontés à des problèmes conçus, imaginés par les auteurs pour intéresser le public. Dans la série, le téléspectateur est tenu en haleine sur plusieurs épisodes lorsque le médecin Sara Tancredi est confrontée à un cas de conscience : suivre ses sentiments et aider Michael à s’évader ou le dénoncer auprès des autorités. Elle choisit la première option. Et tentera de se suicider après cette décision. « Les réalisateurs se saisissent de ces codes, de ces imaginaires et même parfois de ces clichés pour construire une histoire, » continue le sociologue. Ce cas de conscience est un cliché inhérent aux séries. Par cette astuce scénaristique étendue sur plusieurs épisodes, les réalisateurs cherchent à fidéliser le spectateur. « Les clichés, en particulier, ont pour vocation narrative, l’intéressement du public à la série », conclut Éric Macé.
Mais la fiction se transforme parfois en réalité. En décembre dernier, six détenus d’une prison de Newport dans le Tennessee aux Etats-Unis ont démonté les toilettes de leur socle mural, passant par le trou qui donnait directement sur l’extérieur à l’instar du premier plan d’évasion de Michael Scofield. Rattrapés par la police, leur tentative d’évasion s’est soldé par un échec. Pour le shérif du secteur, Armando Fonest « tout laisse à penser qu’ils ont été influencés par la série. »
Les programmes télévisés livrent un récit. Et le téléspectateur peut être amené à s’en saisir. Dans le cas de Prison Break, une question se pose. Quelles réflexions le téléspectateur peut-il tenir sur la série ? « Chaque type de public décide ce qu’il en est, les prisonniers, les chercheurs… C’est à chacun d’accéder à des formes d’expériences que l’on n’a pas, de se faire sa propre imagination du milieu », renchérit Éric Macé. Dans son ouvrage, De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme ? le sociologue François Jost tente de comprendre pourquoi ces productions culturelles fascinent autant les spectateurs. Elles tissent un lien avec le public et vice-versa. Les productions américaines paraissent donc très proches de la réalité. « Elles se fondent, entre autres, sur l’existence de lieux communs (complot, critique des élites), la présence d’invariants (le bon, le méchant) », écrit-il. Dans la série carcérale, les deux frères, après de nombreux rebondissements, échouent à obtenir de la présidente leur grâce présidentielle et s’enfuient donc au Panama. Les téléspectateurs restent alors sans voix. Cette relation qui s’est instaurée entre le public et le héros est addictive. Même si les héros ont leurs caractéristiques, leurs aventures et démêlés sentimentaux les rapprochent de nous. François Jost observe qu’aujourd’hui la majorité des séries à succès « racontent l’histoire de personnages qui nous rassemblent. » Lincoln, frère de Michael, vivait de petits boulots avant d’être victime d’un complot organisé par les plus hautes instances de l’Etat. Et de se retrouver en prison. Michael, lui, était ingénieur dans le génie civil avant de se faire incarcérer sciemment dans la même prison que son frère…pour l’aider à s’évader. C’est le début d’une confrontation entre un complot qui parait surréaliste et deux citoyens lambda.
Pour retracer ces quatre premières saisons, replongez-vous dans ce quiz.