James Dean, Marlon Brandon ou Lino Ventura en haut de l’affiche en 2017 ? Ce n’est pas de la science fiction. Grâce à la doublure numérique, il est possible aujourd’hui de faire revivre à l’écran les actrices et les acteurs décédés. Bienvenue dans le monde de demain.
Nous sommes le 7 février 2012. La cérémonie des Visual Effect Society (VES), qui a lieu à Beverly Hills, rassemble un parterre d’experts des trucages numériques. Des Français créent la sensation en remportant l’équivalent de l’Oscar des effets spéciaux, pour la création d’une pub qui a marqué les esprits et qui devrait donner un tournant majeur de l’histoire du cinéma.
Pour Dior, l’entreprise française Mikros Image a réussi à faire revivre trois icônes du siècle dernier : Marilyn Monroe, Grace Kelly et Marlène Dietrich. En l’espace de six mois, les quinze personnes travaillant sur le projet ont redonné vie à ces stars du cinéma américain. « Avant les expressions, il faut trouver la géométrie du visage. Pour ça, on regarde des tonnes et des tonnes de films pour capter l’essence du caractère facial de Marilyn Monroe », explique Nicolas Rey. « Même le petit muscle sur le front est très important ».
https://www.youtube.com/watch?v=fCW16FnYLyQ
Fondée en 1985, Mikros Image est une société pionnière dans la réalisation des doublures numériques dans le monde. Mais Edouard Valton, directeur de production et Nicolas Rey, superviseur 3D et directeur de la technologie de la société, ne sont pas dupes : « les Français sont souvent les précurseurs dans les domaines technologiques au cinéma, mais comme souvent, les Américains reprennent nos idées et nous dépassent ».
Edouard Valton en est persuadé, le cinéma va forcément se tourner vers un recours au numérique pour faire revivre des stars décédées. D’après lui les curieux seront nombreux à s’intéresser à ce genre de production : « C’est bankable de faire un film avec Marilyn Monroe ». Et ça pourrait rapporter beaucoup d’argent aux productions, friandes des innovations de ce genre.
On fait l’acquisition expressive de la personne et on crée une base de données pour réutiliser les scans de manières illimité dans le temps.
Les productions américaines ont déjà anticipé ces pratiques futuristes. À Hollywood, les acteurs avaient entamé une grève il y a quelques années pour protester contre une clause de leur contrat qui les obligeait à effectuer un « scan » de leur personne, mais aussi de leur jeu théâtrale.
En France, la société Eisko s’est spécialisée dans ce domaine. Le but de cette entreprise est, entre autres, de scanner des acteurs et actrices à un certain âge pour les réutiliser dans le temps ensuite. Pierre Lelievre, à la tête du système de capture d’images et de mouvements chez Eisko, explique cette démarche : « On fait l’acquisition expressive de la personne. On crée une base de données pour réutiliser les scans de manières illimité dans le temps. L’idée, c’est de dissocier les éléments captés sur une star de cinéma ou un acteur lambda, pour pouvoir les recomposer dans n’importe quelle situation ». Bienvenue dans le futur.
L’ingénieur insiste pourtant sur la réglementation de ces scans, qui appartiennent à la personne numérisée ou à ses ayant droits. « Oui, cette base de données peut vite devenir une mine d’or » confie Pierre Lelievre. Et c’est pour ça qu’elle est très protégée. Le film Le Congrès traitait déjà de la question, et ne prévoyait pas un avenir flamboyant à ce genre de société.
Le coût d’une telle démarche est aujourd’hui un frein à un développement très rapide pour des grosses productions. « Lorsqu’on fait revivre les morts, c’est pour des clins d’oeil. Mais dans un horizon proche, la réutilisation pour tout un long-métrage est tout à fait crédible. C’est même déjà techniquement possible aujourd’hui ». Le dernier film de l’univers Star Wars a déjà prouvé au monde entier la faisabilité d’un tel projet. Les techniciens de Rogue One ont réussi à donner la réplique à Moff Tarkin, alias l’acteur Peter Cushing… mort en 1994. Et le résultat est bluffant.
https://www.youtube.com/watch?v=9Jw7R4AwSQA
Alors en attendant la banalisation de ces pratiques, ces entreprises se contentent d’animer de courts passages au cinéma, des pubs et même de satisfaire des particuliers prêts à mettre le prix fort. Les ingénieurs de Mikros Image se souviennent d’une requête particulière d’un milliardaire russe : « Pour l’anniversaire de sa fille, il a voulu que l’on crée un hologramme de Marilyn Monroe personnalisé, lui chantant Happy Birthday ». Les Français refusèrent pour une question de timing, mais le budget tournait autour du million d’euros. Comme quoi, il n’y a pas que le cinéma qui s’intéresse à la résurrection numérique !