Les manifestations se multiplient dans les grandes villes du Brésil
pour demander la démission de Dilma Rousseff et de son gouvernement. Les raisons du mécontentement ? Les scandales liés à la corruption d’une partie de l’élite politique et économique. Pourtant, une majorité de Brésiliens reste fidèle au Parti des Travailleurs. Petit tour d’horizon de leurs arguments.
1. Le Brésil blanc monopolise la rue
Pour les pro-gouvernements, le constat est sans appel : ce sont les classes supérieures, urbaines et blanches qui manifestent aujourd’hui. Sociologiquement, le mouvement contestataire serait d’abord celui d’une élite sociale. Pour Christophe Ventura, spécialiste du Brésil à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques, la société brésilienne est plus que jamais fragmentée socialement. « En 2013, les populations qui protestaient étaient précisément celles qui avaient bénéficié des politiques de la gauche, en sortant de la pauvreté, en accédant à des emplois plus stabilisés et à la consommation. Ils exigeaient un approfondissement de la politique menée. Aujourd’hui, ceux qui sont dans la rue, ce sont les opposants traditionnels au Parti Travailleur ». Myrian Del Vecchio, diplômée en journalisme et professeure à l’université fédérale du Paraná, parle d’une manifestation « verte et jaune, soutenue par les élites conservatrices et les grandes entreprises qui souhaitent mettre en place des politiques de privatisation ».
2. La droite n’a jamais accepté sa défaite de 2014
Pour les partisans du PT, les scandales de corruption ne sont qu’un prétexte pour appeler à la destitution de Dilma Roussef, dont la victoire aux élections de 2014 a été vécue comme un revers pour la droite. Les pro-dilmas sont formels : leurs opposants font tout ce qui est en leur pouvoir pour mener un coup d’Etat institutionnel contre la démocratie. Leur moyen d’action ? « L’enjeu est bien de remobiliser une population qui reste aujourd’hui assez circonspecte à l’égard de l’évolution des dossiers. Ils orientent le mécontentement populaire vers leurs positions idéologiques conservatrices, de plus en plus radicales », analyse Christophe Ventura. La Présidente a été réélue avec 51,64% des voix au second tour des dernières présidentielles (56% en 2010). Pourtant, elle n’a jamais réussi à imposer sa légitimité auprès de son opposition politique. Côté perdants, on est persuadé que si les élections étaient à refaire, la chef du gouvernement ne sortirait pas vainqueur.
3. Le système judiciaire brésilien est devenu une arme politique
Nombreux sont les partisans du PT qui dénoncent les méthodes du juge Moro, « l’exterminateur de corrompus » et initiateur du Lava Jato. Le fameux enregistrement téléphonique de l’appel entre Lula et Rousseff, qui a mis le feu aux poudres, serait selon eux, illégal. La mise sur écoute aurait été effectuée sans mandat de la Cour Suprême et Sergio Moro aurait autorisé la divulgation de cette écoute dans les médias. Selon Myrian, Sergio Moro s’affiche clairement dans le camp de l’opposition, violant ainsi le principe d’impartialité de la justice. « Aécio Neves, l’ex-candidat à la présidentielle de 2014 est lui aussi impliqué dans des affaires de corruption. Mais il n’est pas pour autant inquiété par la police fédérale ». Et les pro-Dilma ne sont pas à court d’exemples. « La plupart des 65 députés de la commission qui démarrent le travail pour savoir si Rousseff peut être destituée, ont été élus avec des fonds d’entreprises liés au scandale Lava Jato. On a découvert cinq millions de dollars sur des comptes en Suisse du chef de cette commission, Eduardo Cunha. Et tous continuent à exercer leurs activités sans soucis. La notion de neutralité des institutions n’existe plus » ajoute Christophe Ventura. Ironie du sort : ce serait le gouvernement lui même qui aurait encouragé début 2014, le système judiciaire à mener cette opération main propre.
4. Les médias, alliés de toujours de la droite conservatrice brésilienne
Droite conservatrice et libérale, système judiciaire et médias… Tous se sont alliés pour venir à bout de la gauche brésilienne. C’est un argument phare chez les fidèles de Dilma Rousseff. Fabias Dias Girard est brésilienne, mais vit en France depuis une quinzaine d’années. Sur Internet, elle tente de suivre les vifs débats et manifestations qui embrasent son pays. Fabias ne croit pas les médias brésiliens. « Les gens essaient de la faire tomber, mais pour l’instant, ce sont seulement les gens autour d’elle qui tombent. Sur elle, ils n’ont pas de preuves exploitables. Les médias font de la propagande, cela me rappelle les heures sombres de la dictature. Mais ce que les médias ne comprennent pas, c’est que l’ère démocratique a sonné et le bourrage de crâne est fini ». Myrian est du même avis. « Les médias du Brésil, en particulier la toute puissante TV Globo, sont historiquement anti-Parti Travailleur. Aujourd’hui, ils font partis de la coalition pour affaiblir Dilma Rousseff et empêcher le retour de Lula au pouvoir ».
5. Le Brésil, corrompu par défaut
Fabias est catégorique. « Je reste fidèle à Dilma. Toute ma famille et mes amis restés au pays aussi. Au Brésil, tout s’achète. Alors corrompu pour corrompu, je préfère soutenir un gouvernement qui fait avancer notre pays économiquement, socialement et démocratiquement ». Au Brésil, les pots de vins et les distributions de billets en douce, on connaît. « La seule chose que la gauche n’a pas réussi à faire, c’est de sortir du système politique traditionnel oligarchique et corrompu », déplore Myrian. Mais chez les partisans du gouvernement, on préfère regarder ce que le lulisme fait de mieux que les autres.