De plus en plus d’actions militantes non-violentes – organisées principalement par des ONG de défense de l’environnement – se réclament de la désobéissance civile. Que signifie réellement ce terme, devenu incontournable ces derniers mois ? Le point sur la question avec Patrick Chastenet, professeur de science politique à l’Université de Bordeaux.
« Au sens strict du terme, la désobéissance civile est un refus non-violent, collectif, et qui se fait au nom d’un principe supérieur, de remplir une obligation légale ou réglementaire », explique Patrick Chastenet, professeur de science politique à l’Université de Bordeaux.
C’est sous la plume de l’essayiste et philosophe américain Henry David Thoreau, qui publie en 1849 « Civil desobedience » qu’apparait le terme, traduit en français par l’expression « désobéissance civile ». Originaire d’un Massachusetts en guerre contre le Mexique à l’époque, le philosophe avait refusé de payer ses impôts pour ne pas se rendre complice de la politique menée par son Etat. « Il y avait une portée symbolique dans son geste, qui signifiait ‘‘je refuse de payer l’impôt pour des raisons morales’’ », souligne le politologue bordelais.
Des hors la loi ?
La désobéissance civile s’appuie certes sur le refus de respecter la loi, mais les militants ne doivent pas être considérés comme des délinquants pour autant. Dans son essai, Thoreau distingue les notions de bien et de loi. Pour les « désobéissants », tout ce qui est légal n’est pas forcément juste. D’après le philosophe, tout acte d’opposition non-violent en dehors du cadre légal devient légitime, dès lors que le but est l’intérêt général. « Enfreindre la loi pour son propre compte, comme en décidant de ne pas payer ses impôts pour garder son argent pour soi, n’a rien à voir avec de la désobéissance civile », rappelle Patrick Chastenet.
Aujourd’hui, quelles actions relèvent de la désobéissance civile ?
Les actions de désobéissance civile ont montré leur efficacité dans le passé. En témoignent le combat de Gandhi en 1930 contre le colonialisme britannique en Inde, ou encore l’action de Martin Luther King en 1955 conduisant à l’abrogation des lois de l’Alabama sur la ségrégation dans les bus. Plus proche de nous, Extinction Rebellion, s’est imposé comme l’héritier direct des idées de Thoreau grâce à leurs actions spectaculaires, au fort retentissement médiatique. A tord selon Patrick Chastenet. L’universitaire déplore le dévoiement du concept. « Où est le respect de l’idée de transgression de l’obligation légale ou réglementaire ? Leur mode d’action m’évoque plutôt ce que faisait Act Up dans les années 80, à la grande époque ». Le sabotage des trottinettes électriques le 5 décembre dernier à Bordeaux ne rentre donc pas dans ce cadre, car aucune loi n’oblige les citoyens à recourir à ce moyen de transport.
« Actuellement, l’action militante qui se rapproche le plus de la désobéissance civile est celle des décrocheurs de portraits d’Emmanuel Macron. Ce sont eux qui remplissent le plus de critères » selon Patrick Chastenet. « D’autant plus qu’elle est suivi de plusieurs procès qui ont fait naître un débat public, deux autres autres conditions pour parler de désobéissance civile ».
La définition du mot n’a pas évolué dans le temps, le terme est tout simplement mal employé.