Sensibiliser à la lutte contre le VIH à travers l’art queer : tel est l’objectif du Sidragtion, organisé au Lieu Chéri ce samedi 3 décembre. Pour sa deuxième édition, plusieurs artistes du milieu drag proposent des ateliers et une soirée pour récolter des fonds. Jane Go est l’une des drags queens organisatrices. Elle nous explique comment le drag permet de s’engager pour cette cause.
Quel est le principe du Sidragtion, d’où vient-il et comment s’organise-t-il ?
À l’origine, le concept vient d’Amsterdam. L’idée est plutôt simple puisqu’il s’agit de déambuler en tant que drag dans la rue, pour récolter de l’argent et le reverser ensuite à des collectifs engagés dans la lutte contre le VIH. L’événement s’est exporté à Paris dès 2016 et a été décliné avec succès à Bordeaux l’année dernière. Nous avions récolté presque 2000€ sur une somme totale de 21 456€, à l’échelle nationale. Cette année, nous sommes trois drags de collectifs différents à l’organiser : La Mary Posa, Andrea Liqueer et moi. En accord avec l’association de Paris, on a décidé d’organiser l’événement dans un seul endroit, en raison du froid hivernal. La déambulation aura bien lieu, mais en mars 2023. Pour récolter des fonds ce samedi, tout en sensibilisant, nous avons imaginé divers ateliers : du maquillage, des lectures drags, une scène ouverte, ou encore une vente aux enchères.
Avec toujours un objectif de sensibilisation, donc ?
Nous allons aborder le sujet à intervalles réguliers au cours de la soirée. Pour éviter de le faire de manière trop scolaire, on va l’intégrer dans nos interventions, que ce soit pendant les shows ou non. La spécificité des drags, c’est surtout de se servir de nos personnages pour interagir directement avec le public, profiter de cette occasion pour aborder certains sujets, et donner matière à réflexion. Un personnage drag est une espèce de version super-héros de nous-même, qui nous permet de faire des choses que l’on n’aurait peut-être pas faites autrement. Cette carapace reste un outil incroyable, qui nous sert aussi à apprendre à parler aux autres, ce qui est évidemment utile pour faire passer des messages.
J’ai choisi pour ma part de proposer un temps calme, de lecture, plus léger. Nous avons sélectionné des textes sur le sujet qui nous semblent les plus pertinents. Cette journée va permettre d’utiliser le drag sous toutes ses formes pour sensibiliser les personnes présentes, à travers une multitude de supports.
S’engager, n’est-ce pas un combat inhérent au milieu du drag ?
Quand on fait du drag, il y a automatiquement cette position militante, voire politique, qui fait partie du job. Certaines causes nous tiennent particulièrement à cœur, et faire le Sidragtion découle d’une certaine logique. La preuve, c’est que l’événement fédère beaucoup de monde dans cet univers. Cela nous est d’autant plus important que nous agissons pour une cause qui a touché sensiblement la communauté LGBTQIA+, il y a quelques années.
Être drag, c’est être proche du milieu queer. La crise du sida dans les années 1980 et 1990 ne remonte pas à si longtemps, quand on y pense. Elle a touché les ancien·nes de la communauté, qui ont plus de cinquante ans, car c’est quelque chose qu’ils et elles ont connu et vécu. Cela nous touche également car nous subissons encore des discriminations à ce sujet, avec leur lot de stigmatisations, comme l’idée que les personnes homosexuelles seraient plus touchées.
Y a-t-il des artistes directement concerné•es par le sujet ?
Oui, d’ailleurs l’une des personnes les plus connues aujourd’hui est Lolita Banana, qui a participé au show télévisé “Drag Race France”. Elle a pu en parler dans l’émission, ce qui a été bénéfique pour continuer de sensibiliser sur cette question.
L’émission a éclairé d’un gros coup de projecteur notre communauté, notamment à Bordeaux, avec la candidate Elips. Depuis la rentrée, je n’ai pas vu un seul show qui n’ait pas marché. On accueille désormais de nouveaux types de publics. Un événement tel que le Sidragtion est très fédérateur, on peut espérer qu’il permette de rassembler le plus largement possible.
Anaëlle Cagnon
Image à la une : Jane Go et Mia Coeur se sont impliqué·es lors de la déambulation du Sidragtion 2021 à Bordeaux. Crédits : Lionel Molina.