La Grande Cause Nationale en matière de santé mentale, mise en place en 2025, a été prolongée ce 27 novembre pour l’année 2026. Sur le campus universitaire de Pessac, l’Espace Santé Étudiants (ESE) propose un soutien psychologique, dont les délais interrogent les étudiant·es.

Avec ou sans rendez-vous, les étudiants affluent dans l’ESE de Bordeaux ce lundi 8 novembre. Voilà qui marque la première étape de la mission principale du personnel du centre médical public : écouter les étudiant·es dans le besoin et les orienter vers les bon·nes soignant·es. Situé au cœur des campus bordelais, l’Espace Santé Étudiants existe pour aider les étudiant·es de tous les établissements universitaires de la métropole à maintenir ou à améliorer leur capital santé pendant leurs études.
L’ESE compte trois psychiatres à temps partiel et sept psychologues pour 70.000 étudiant.es. Si le centre médical ne peut pas prendre rapidement en charge tous les étudiant·es, Anne Moreau, directrice de l’ESE, assure que la structure qu’elle dirige est au maximum de ses capacités : « Avec des crédits supplémentaires, on pourrait augmenter l’offre même si l’idée n’est pas de devenir un hôpital. »
La santé mentale des étudiant·es : un enjeu persistant
La santé mentale a été désignée Grande Cause Nationale en 2025. Le gouvernement l’a prolongée, ce 27 novembre, pour l’année 2026. Un choix qui répond à un enjeu majeur de santé publique alors qu’un·e Français·e sur quatre sera confronté·e à un trouble mental au cours de sa vie. Près de 6 étudiant·es sur 10 considèrent que leurs enjeux de santé mentale sont un frein pour suivre le rythme de leurs études selon le Baromètre de la Santé Mentale des Étudiants produit par Ipsos/BVA en septembre 2025. « Ces chiffres, je les ressens clairement », confirme Céliane Relai Santé interne à SciencePo Bordeaux. À 19 ans, elle est rémunérée pour procéder toute l’année à une sensibilisation sur différentes thématiques liées à la santé mentale à l’échelle locale.
Quant aux raisons de ce mal-être des étudiant·es ? « Elles sont souvent liées à la vie personnelle ou aux études », confie Céliane. Un sentiment largement confirmé par l’étude d’Ipsos/BVA : 63 % des étudiant·es affirment que leurs difficultés de santé mentale sont pour partie liées à leurs études. 38 % envisagent quant à eux d’arrêter leurs études en raison de problèmes psychologiques.
Des délais d’attente à l’ESE qui interrogent
Selon Eva, 26 ans, étudiante en licence 2 de Lettre Modernes, les nombreux rendez-vous d’aiguillage au sein de l’ESE peuvent déconcerter les potentiel·les patient·es. Diagnostiquée avec un trouble de la personnalité limite, elle raconte : « D’abord, on a un rendez-vous avec une infirmière d’orientation. Ensuite, un autre avec une infirmière spécialisée, à l’Hôpital Charles Perrens. Si elle estime que le cas est urgent, alors on va voir un psychiatre. » Expliquer ses troubles par trois fois peut déstabiliser : « Au début, c’est brut de décoffrage. On finit par se détacher de notre propre discours », regrette l’étudiante.

Selon la directrice de l’Espace Santé Étudiant, les attentes les plus longues concernent surtout les consultations psychologiques. « On accompagne 8.000 à 9.000 personnes par an. Mais dans l’ensemble, un étudiant dans le besoin parvient à obtenir un rendez-vous d’orientation dans la semaine », précise-t-elle.
Cependant, surtout lors d’une période de partiels, la demande croît. Face à cette augmentation, pas d’autre choix que de classer les cas par ordre d’urgence. Anne-Laure donne l’exemple du traitement des idées suicidaires. Elles touchent 16% des étudiant·es français·es selon un rapport de cette année publié par Nightline, un réseau européen d’associations pour améliorer la santé mentale des jeunes. L’infirmière décèle au moins trois niveaux de gravité : « Il peut d’abord s’agir d’une pensée suicidaire, sans scénario, ni faisabilité. Plus grave : un étudiant qui se projette sans qu’il n’y ait de date. Enfin, un étudiant qui a déjà tout planifié. »
Si l’idée d’une « sélection » peut étonner, elle répond à une réalité. « Les dispositifs extérieurs (NDLR : « Santé Psy étudiants » et « Mon soutien psy ») manquent aussi de moyens humains », rappelle la directrice de l’ESE. Elle poursuit : « Bien sûr, nous prodiguons des soins. Notre mission n’en reste pas moins d’orienter les étudiants vers les soignants qui conviennent. Dans nos locaux, comme à l’extérieur. »
| Santé psy étudiants : Il permet aux étudiants de couvrir jusqu’à 12 séances par an chez un psychologue partenaire. Chaque séance coûte 50 €, mais aucun frais n’est à avancer. Les 12 séances se renouvellent à chaque mois de décembre. Elles sont cumulables avec le dispositif Mon Soutien Psy. Mon soutien psy : Un dispositif qui s’adresse à tout le monde. Il propose jusqu’à 12 séances d’accompagnement psychologique chez un psychologue partenaire. La séance coûte 50 euros. Elle est remboursée à 60 % par l’Assurance Maladie. |
Des difficultés aux niveaux régional et national
Pour la directrice de l’ESE, la solution pour mieux traiter les cas de santé mentale se trouve dans une meilleure articulation entre les acteurs régionaux, notamment les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) et les Centres Médico-Psychologiques (CMP). « Il y a quand même une volonté de travailler ensemble. On a espoir que l’organisation de ces communautés-là va permettre de faciliter le dialogue entre les structures. Mais il est vrai que les CMP sont des structures complètement saturées », développe Anne.
Le problème revêt une résonance nationale. La cause : « La pénurie de médecins et le manque de formations qui freinent l’ensemble du système de prise en charge de santé des étudiants ». Ce qui ne suffit pas à décourager la directrice de l’ESE qui conclut sur une note d’espoir : « Si j’ai un message à faire passer aux étudiants, c’est qu’ils ne sont pas seuls. »
| Les solutions en cas de souffrances psychiques et d’idées suicidaires SAMU : 15 Poste Central Sécurité Incendie (PCSI) : 05 40 00 89 79 Ligne prévention du suicide : 3114 Coordination nationale d’accompagnement des étudiantes et des étudiants (Cnaé) : 0 800 737 800 |
Louis BONON et Elouan CROSNIER

