On pourrait croire que le sujet fait consensus. Dans les faits, c’est loin d’être le cas. Chaque candidat à la présidentielle a sa propre vision de ce que doit être la francophonie, tout en nuances, même si elle est plus ou moins détaillée selon les programmes.
La défense de la langue et son enseignement font bel et bien l’unanimité. Mais la francophonie n’est pas qu’une langue. Elle participe aussi à la présence culturelle et économique de la France dans le monde. Ce qui différencie les candidats les uns des autres : le degré d’utilisation de la francophonie comme instrument de puissance internationale.
Ceux qui sont totalement pour
On retrouve dans cette catégorie les candidats les plus expansionnistes.
Nicolas Dupont-Aignan est sans doute le plus fervent défenseur de la francophonie comme axe majeur de développement économique et culturel. Il consacre deux pages entières sur la question dans son programme. Le candidat de Debout la France appelle notamment à renforcer la coopération entre les pays francophones dans les « secteurs de demain », tels que les nouvelles technologies ou la transition énergétique, ainsi qu’à la mise en place d’une plate-forme sur Internet destinée à la promotion du tourisme en pays francophones.
Par ailleurs, il propose une loi renforcée de protection du français (un « droit au français »), la création d’universités francophones à l’étranger, ou encore la contestation de l’anglais comme langue officielle de l’Union Européenne pour « tirer toutes les conséquences du Brexit », dit-il.
Moins radicaux, Emmanuel Macron et François Fillon aspirent tout de même à la création d’un « Commonwealth » à la française. Ils souhaitent utiliser l’espace francophone pour assurer le développement de l’influence française et des acteurs privés. Le contour de leurs actions économiques reste encore floue.
En matière culturelle, Macron reste aussi évasif. Fillon, lui, se montre un peu plus précis. Pour préserver le patrimoine tout en limitant les dépenses publiques, le candidat des Républicains veut avoir systématiquement recours aux financements privés par le mécénat. Il veut par ailleurs créer des filières francophones dans les zones où les établissements français sont absents, via des accords bilatéraux.
Jacques Cheminade s’insurge contre la « politique de fermeture de l’Institut Français », et propose même d’accroitre la participation de la France au budget de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) à hauteur de 150 millions d’euros.
Benoit Hamon est peu éloquent sur le sujet mais ses actions sont très ciblées. Il propose la création d’un « visa francophone pour les étudiants, les chercheurs, les chefs d’entreprise et les artistes », ainsi que d’un « Palais de la langue française » dans le cadre d’une politique de grands travaux.
Ceux qui sont plus réservés
D’autres se montrent très critiques sur l’utilisation de la francophonie comme instrument de puissance politique, de domination. Une position que partagent Philippe Poutou, Jean Lassalle, François Asselineau, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, pour qui le rayonnement de la langue et de la culture ne doit pas être une entrave à la souveraineté des pays. Pour cette raison, tous exigent la fin de la « Françafrique », cette relation déséquilibrée avec les anciennes colonies en Afrique, souvent qualifiée de néo-coloniale.
Pour Philippe Poutou, la francophonie ne sert que « les intérêts des capitalistes français », entretenant « l’oppression, la misère et l’exploitation en Afrique ». Il refuse toute politique qui serait « menée au nom des soi-disant “intérêts de la France” ».
François Asselineau souhaite, lui, la mise en place d’une coopération égalitaire pour « donner à l’espace francophone mondial une dimension politique et non-alignée ». Même son de cloche pour Jean-Luc Mélenchon qui appelle à respecter « la souveraineté des peuples en s’interdisant de se mêler des élections ». Jean Lassalle, quant à lui, souhaite conclure « des traités équilibrés qui excluront le pillage et le détournement de leurs ressources ».
Marine Le Pen a annoncé également, lors d’une interview au Figaro cette semaine, vouloir mettre fin à la « Françafrique » au nom de la souveraineté des Etats. Cela ne figure toutefois pas clairement dans son programme : elle préfère parler de « politique de co-développement » avec l’octroi d’aides en matière d’éducation, d’agriculture et de sécurité.
Celle qui est totalement contre
Il n’y en a qu’une. Communiste et internationaliste, Nathalie Arthaud souhaite une société égalitaire « par delà des frontières ». Elle considère que « la prédominance d’une langue ne fait que refléter la prédominance économique de la bourgeoisie qui l’utilise ». De fait, elle souhaite promouvoir l’accès à l’éducation et à la culture. « Si chacun savait parler cinq ou six langues, l’intercommunication de poserait plus de problème majeur », déclare-t-elle sur son site.
Cependant, elle soutient « toutes les luttes qui vont dans le sens de créer plus de postes et de permettre de meilleures conditions d’enseignement du français » dans les écoles en France.