Deux mois confinés. Puis quatre. Puis cinq. Les couples amoureux égrènent les jours qui passent, sans fin. Pour beaucoup, la relation a été mise à rude épreuve, conduisant même jusqu’à la rupture. Mais pour certains, la crise sanitaire est apparue comme une aubaine : l’occasion de profiter l’un de l’autre, de prendre des risques, ou même de se confronter à la vie conjugale.
Officiellement en couple depuis les vacances de la Toussaint, André et Lise se fréquentent à distance depuis un an. Après avoir connu le premier confinement séparés l’un de l’autre, passer le deuxième confinement ensemble leur est apparu comme une évidence. “Je ne voulais vraiment pas me confiner à Nice, avoue André. D’autant que mes colocataires rentraient chez leurs parents”. Lise ajoute en attachant ses cheveux : “On avait prévu de se voir un week-end chez moi à Bordeaux en novembre et puis finalement le confinement est arrivé”. Et le week-end s’est prolongé. Une occasion qui est “bien tombée” pour le jeune couple étudiant qui s’est tout de suite adapté à ce nouveau rythme.
Blanche Laigo-Cochet, thérapeute de couple à Bordeaux, souligne : “De nombreux couples se sont questionnés et ont choisi de passer le cap et d’emménager ensemble. En général c’était tout ou rien : pour certains cette décision a été un déclencheur positif, d’autres se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient tout simplement pas vivre ensemble.”
C’est le cas de Léa et de son compagnon, tous deux serveurs à Bordeaux, pour qui l’expérience d’une parenthèse à deux tourne mal : “On a habité trop vite ensemble”, admet la jeune femme. Chacun est alors retourné chez soi, mettant un terme provisoire à la relation.
Un quotidien qui rassure
Pour reprendre ses études à Bordeaux, Rodolphe, 25 ans, quitte le nid conjugal parisien en septembre 2020. Il est alors fort d’une relation de huit ans avec Théo, qui reste dans la capitale où il travaille en tant que vétérinaire. Mais peu de temps après la rentrée, tous deux ressentent un sentiment d’insécurité dans leur couple : “Je me sentais empêché dans ma vie étudiante en ayant une relation de couple à gérer”, confie Rodolphe en se servant un verre de menthe à l’eau. De son côté, Théo constate avec tristesse qu’un décalage se crée entre leurs vies, soudain devenues bien différentes. Cette crise est résolue par le second confinement, en novembre dernier. Grâce à la mise en place des cours à distance, l’étudiant peut remonter à Paris auprès de son compagnon. Ils parviennent alors à recréer un quotidien commun, et les inquiétudes générées par la distance s’éloignent : “On s’est à nouveau raconté nos journées, ce qu’on ne faisait pas à distance parce qu’il n’est pas très téléphone”, explique Rodolphe en riant. Adieu les pâtes, il peut à nouveau savourer les bons petits plats préparés par Théo, un “cuisinier hors pair”, assure-t-il les yeux brillants.
Pour Lise et André, ces moments partagés autour d’un repas sont aussi une nouveauté : avant le confinement, ils n’avaient dîné ensemble qu’occasionnellement au restaurant. Cette immersion dans la vie de l’autre au quotidien leur a permis de se découvrir plus rapidement, d’apprendre à “se connaître dans l’intimité”.
La nouveauté de ce confinement réside finalement dans le profil des couples touchés par des inquiétudes ou des questionnements. Blanche Laigo-Cochet explique : “Je reçois des couples plus jeunes, entre 25 et 30 ans. Certains ont surtout besoin d’être rassurés.”
Se confronter à la réalité de la vie de couple
Pour Camille et sa compagne, qui travaillent dans la culture, le confinement a marqué un tournant dans leur relation. Fini les sorties répétées, elles se retrouvent dans un face à face impossible à éviter. “Ça nous a permis d’avoir des discussions qu’on n’avait jamais eues auparavant et qu’on aurait dû avoir depuis longtemps. A l’issue du premier confinement on a sauté un premier pas en déménageant ensemble à La Rochelle. Puis le second confinement nous a encore fait passer un cap en termes d’implication, d’engagement, de communication. On a pu réactualiser nos envies et se poser des questions sur l’amour qu’on a pour l’autre, l’habitude dans le couple. On arrive aujourd’hui à verbaliser ces choses alors qu’avant on n’avait pas le recul nécessaire.”
Blanche Laigo-Cochet confirme l’existence de ce schéma de fuite chez certains couples, notamment dans le travail ou les addictions : “Le covid leur a permis de se recentrer car les gens se sont retrouvés face à eux-mêmes d’abord, puis face à leur conjoint. Cette situation les a menés à une prise de conscience positive.”
“Le confinement a eu un effet positif sur notre couple, je ne sais pas ce qu’on serait devenu sans cela.”
Paradoxalement, pour Lise et André, le confinement a été synonyme de gain de temps. Une manière de ne pas s’enfermer dans un schéma de relation classique, et de prendre le temps de faire connaissance. Un sentiment que partagent Léa et son compagnon, aujourd’hui à nouveau ensemble. Ils ont repris contact en janvier, elle toujours à Bordeaux, lui à Biarritz où il a déménagé. Le jeune couple ouvre les yeux sur ses priorités et décide de se donner une seconde chance, à distance. Léa raconte sur un ton confiant : “Le troisième confinement nous permet de refaire les choses bien, de prendre le temps. C’est comme si une nouvelle relation commençait. On se concentre sur les choses positives, on se motive.”
Rodolphe est, quant à lui, reparti ce week-end à Paris pour se confiner une troisième fois avec son compagnon. Ironiquement, il voit la situation sanitaire comme une aubaine lui permettant de concilier vie étudiante et vie conjugale, du moins sur le court terme : “Le confinement a eu un effet positif sur notre couple, je ne sais pas ce qu’on serait devenu sans cela.”
Crédit: Julie Malfoy