Des forêts vont sortir de terre à Bordeaux en 2021. En format réduit évidemment. Le plan de végétalisation annoncé par Pierre Hurmic mercredi 25 novembre prévoit l’implantation de cinq micro-forêts dans la cité minérale. Un bout de nature en ville, qui laisse les Bordelais perplexes. Décryptage.
« Tous les Bordelais seront à moins de dix minutes d’un espace végétalisé ». C’est l’ambitieuse mission confiée par Pierre Hurmic à Didier Jeanjean, son adjoint chargé de la nature en ville, qui supervise la « saison 1» du projet « Bordeaux grandeur nature ». Dès 2021, la mairie souhaite implanter des micro-forêts à cinq points stratégiques de la ville : « il s’agit de recréer sur une petite surface de minimum 100 m2, tout l’écosystème d’une forêt » précise l’adjoint. Pas de quoi se perdre dans les bois. Inspirées de la théorie du célèbre botaniste japonais Akira Miyawaki, ces forêts urbaines sont composées d’arbres plantés de manières très serrée, pour favoriser le développement et la croissance des différentes variétés implantées. Pour Aurélien Caillon, botaniste pour SAUVAGES, qui travaillera sur la création d’une de ces micro-forêts « il faut apporter la nature en ville mais surtout en faire un projet au long terme. Il ne s’agit plus de planter une multitude d’arbres qui seront ensuite gérés par des services d’entretiens, mais de passer à des plantations devant s’auto-gérer ».
Plus que l’augmentation du nombre d’espaces verts, la mairie ambitionne de lutter contre les îlots de chaleurs urbains, véritable préoccupation pour des Bordelais qui souffrent de plus en plus des fortes chaleurs estivales. Didier Jeanjean assure qu’ « un arbre c’est comme cinq climatiseurs qui rejettent de l’humidité, tandis que le béton, lui, emmagasine puis recrache la chaleur ».
BALADE IMPOSSIBLE
Parmi les cinq emplacements, la mairie propose une micro-forêt pour le quartier Saint-Jean, jusqu’alors dépourvu d’espaces verts. Celle-ci s’étendra sur 236m² au croisement des rues Billaudel, Fieffé et Francin. L’espace, qui abrite aujourd’hui des places de stationnement, sera transformé en refuge végétal pour un coût estimé à 3500 euros pour 100m² de plantations. « Avant pour ce prix-là, on avait trois arbres » précise l’adjoint. A condition que l’analyse des sols ne cache pas de mauvaises surprises. « L’étude du substrat peut révéler la présence de métaux lourds. Cela engendrerait un coût supplémentaire car il faudra renouveler totalement le sol » souligne Aurélien Caillon.
L’intervention sur un milieu urbanisé depuis des décennies implique ensuite un travail préparatoire minutieux pour assurer la pérennité de la micro-forêt. Pour répondre aux défis de cohabitation des milieux, le botaniste plaide pour des aménagements indispensables. « Avec des techniques dites de “mulch”, on apportera des broyages de bois que l’on répandra sur le sol. Cela évitera une érosion et un lessivage du sol [NDLR : évacuation des éléments nutritifs naturels] lors des fortes pluies ». Durant les trois premières années de développement, l’accès aux micro-forêts sera interdit au public pour éviter le piétinement et le vandalisme. A terme, le dispositif n’a pas non plus vocation à accueillir le public.
PLANTER MOINS POUR RESPIRER MIEUX
Certains riverains se montrent circonspects. « En été le quartier est irrespirable. Le végétal va aider à réguler la température, soit, mais ça ne résoudra pas le manque d’espaces verts accessibles » regrettent Marie-Pierre et Camille qui habitent à proximité de la future micro-forêt du quartier Saint-Jean. L’implantation d’une micro-forêt perturberait aussi le stationnement. « On nous demande d’augmenter l’utilisation du vélo, pour laisser notre voiture dans le quartier. Enlever des places de stationnement n’arrangera pas les choses ».
C’est pourtant ce que souhaite Bordeaux Métropole au travers de l’opération « 1 million d’arbres », qui sera déployée sur une dizaine d’années. Les botanistes mettent en garde sur cette course à la plantation, qui peut certes verdir la ville, mais dont les effets sont limités. « C’est bien d’avoir plus de végétaux mais il faut être vigilant par rapport à la manière dont on les insère en ville » prévient Aurélien Caillon.
Crédits : mairie de Bordeaux.
Maxime Giraudeau et Joseph Lacroix Nahmias