L’Assemblée Nationale a définitivement adopté la loi « visant à démocratiser le sport en France ». Objectif majeur : imposer la parité dans les fédérations sportives nationales d’ici 2024 et en 2028 à l’échelon régional. Les présidents des ligues de Nouvelle-Aquitaine exposent leurs inquiétudes.
Le texte a achevé son « marathon ». Le 19 mars 2021, il avait été présenté aux députés, sous la houlette de Roxana Maracineanu, ministre des Sports, soit trois ans et trois mois après l’annonce faite par sa prédécesseur, Laura Flessel. Mesure phare de cette loi : la parité dans les instances nationales d’ici 2024. Aujourd’hui, très peu de fédérations olympiques et paralympiques le sont.
Les ligues régionales ont un peu plus de marge. Elles ont jusqu’à 2028 pour se mettre en règle. Un changement possible mais compliqué, selon certains présidents des ligues néo-aquitaines où une forte disparité subsiste entre les fédérations. Pour la ligue de judo, par exemple, « le travail a été fait aux dernières élections », se réjouit Claude Dubos, son président.
L’institution compte effectivement 8 femmes et 7 hommes au sein du bureau exécutif. Néanmoins, comme dans la plupart des ligues, les plus hautes fonctions sont occupées par des hommes. Les femmes sont quant à elles, reléguées aux fonctions de vice-présidente, « moins importantes », selon Daniel Marchand, président de la ligue de tennis de table. Au niveau national, seulement trois fédérations sur 36 sont présidées par des femmes.
Le problème est d’ordre sociétal.Les femmes sont bloquées par des considérations qui ne préoccupent pas les hommes comme celles de la légitimité. Selon une étude du Centre de Recherche sur les associations (CRA) de 2017, le bénévolat, à l’image du monde professionnel, porte l’empreinte de la division sexuée traditionnelle des tâches. Ainsi, la part des femmes décroît quand le niveau de responsabilité augmente. Doubler le nombre de femmes au sein du comité directif sera donc une tache complexe pour les ligues. Le vivier de joueuses de tennis de table étant limité – 17 à 18 % des licenciés – les femmes souhaitant s’investir pleinement dans l’institution ne courent pas les rues.
Les femmes moins investies
Avant cette nouvelle loi, les ligues devaient élire 25 % de membres du sexe représentant le moins de licenciés. « Nous avons respecté cette directive. Nous avions 6 femmes sur notre liste de 24. Mais il a été très compliqué de trouver des femmes acceptant de s’investir bénévolement », explique Daniel Marchand. Dans le secteur sportif, les femmes sont nettement minoritaires parmi les bénévoles puisqu’elles en représentent 32 %, selon l’étude du CRA.
Les femmes consacrent également au bénévolat un temps annuel médian inférieur d’une quinzaine d’heures à celui déclaré par les hommes selon l’étude du CRA. La cause : des contraintes induites par les charges domestiques et parentales. Selon Frédéric Bureau, la taille du territoire néo-aquitain est aussi un frein : « Pour certaines dirigeantes, les déplacements pour les réunions freinent l’engagement. Ce n’est pas qu’elles ne veulent pas s’investir, mais elles préfèrent gérer un club plus proche de chez elles », précise-t-il.
Postes vacants
Concernant les quotas, la position des trois représentants est unanime : ce n’est pas la solution. « Mais s’il n’y a pas de quotas, il n’y a pas de femmes dans les instances », se désole l’élu de la ligue de judo.
Du côté de la ligue de gymnastique, Frédéric Bureau a du mal à convaincre les femmes de s’inscrire sur les listes. Pourtant, les licenciées féminines de sa fédération représentent 80 % des effectifs. Après avoir instauré l’obligation d’un conseil d’administration strictement paritaire au cours des deux derniers cycles olympiques, 15 femmes et 15 hommes, une place est restée vacante : « La place de délégué technique générale est aujourd’hui vide et c’est un poste obligatoirement féminin. » Il craint que la situation ne soit jamais réglée et que ce type de problème augmente en 2028.
D’autres représentants de ligues s’inquiètent « de se retrouver avec des personnes inutiles. » Pour lui : « mettre un nom, parce qu’il le faut, risque de diminuer l’efficacité des instances dirigeantes au niveau régional. Il y aura des gens, mais pas ceux qui viennent pour travailler et s’investir. » Daniel Marchand se demande si la stricte parité va motiver le personnel à s’investir davantage, mais il reste sceptique : « Je ne suis pas sûr que cela va les attirer. »
Une possible réussite
Contrairement aux autres, Claude Dubos n’a pas de mal à convaincre. « Je me suis associé à Nadège Coucaud, la vice-présidente, qui m’a rejoint à condition de ne pas être un pot de fleurs. Souhaitant changer l’état d’esprit du comité directeur, nous avons fait équipe et nous avons atteint notre objectif sans beaucoup chercher. Il ne faut pas parader. C’est faisable ! »
Si les fédérations veulent atteindre la parité, une mutation profonde de la méthode de gouvernance est inévitable pour une majorité de fédérations. Pour ces dernières, le marathon 2024 a déjà commencé.