Un an après les attentats contre Charlie Hebdo, le journal se remet difficilement sur pied. Entre reconstruction et déchirements, aujourd’hui, où en est Charlie ?
Le 7 janvier 2015, Chérif et Saïd Kouachi pénètrent dans les locaux de Charlie Hebdo et déciment la rédaction. Il y aura douze morts et quatre blessés. Le deuil et l’indignation s’emparent de la France entière qui multiplie les hommages, quand la rédaction doit se reconstruire difficilement.
Charlie Hebdo et son équipe
Lors des attentats de janvier, le directeur de publication Charb, les dessinateurs Cabu, Tignous, Honoré, et Wolinski, l’économiste Bernard Maris, la psychanaliste Elsa Cayat, le correcteur Mustapha Ourrad, les policiers Franck Brinsolaro et Ahmed Merabet, l’employé Frédéric Boisseau et Michel Renaud, invité de la rédaction, tombent sous les balles. Le journal perd un directeur de publication, cinq dessinateurs et deux chroniqueurs. Quelques mois après, le dessinateur Luz et le chroniqueur Patrick Pelloux quittent le journal, évoquant des raisons personnelles et le traumatisme des attentats.
L’équipe cherche à se restructurer. Riss remplace Charb au poste de directeur de publication, Catherine Meurisse succède à Cabu en tant que directrice artistique. Mais Charlie Hebdo n’arrive pas à recruter de nouveaux collaborateurs. Les dessinateurs Juin et Gros intègrent le journal après les attentats comme réguliers. D’autres dessinateurs et rédacteurs, comme Pétillon et Ali Dillem contribuent de manière ponctuelle. Mais les chaises restent vides: «Il faudrait deux ou trois dessinateurs de plus, pour soulager Coco et Riss, qui font 60 % à 70 % du journal aujourd’hui», note Eric Portheault dans les colonnes de Libération.
Charlie Hebdo et son public
Les attentats du 7 janvier 2015 ont bouleversé les français et les lecteurs étrangers. Le journal satirique n’a jamais aussi populaires et ses recettes ont atteint des records.
Le 3 février 2015, on enregistre près de 220 000 abonnements, soit 22 fois plus que ses abonnements précédents les attentats. Si les ventes diminuent au cours de l’année, elle reste toujours 3 fois plus élevées que celles pré-attentats.
Ces chiffres exceptionnels voient des rentrées d’argent inattendues, ce qui pose de nouvelles questions qui divisent l’équipe: si les 4,2 millions de dons seront répartis auprès des familles des victimes, comment redistribuer l’argent des ventes?
Actions et tensions
La question de la direction financière du journal déchire l’équipe du journal. En mars 2015, un mail relayé par la presse témoigne des divisions au sein de la rédaction. Une partie du journal s’associe pour réclamer une gouvernance commune, ainsi qu’une ouverture du capital à l’ensemble de l’actionnariat salarié.
Le 24 juin 2015, Charlie Hebdo devient officiellement la première entreprise solidaire de presse. Ce statut l’oblige à réinvestir au moins 70% des bénéfices annuelles. Les 40% d’actions détenus par la famille de Charb seront rachetés par le nouveau directeur de publication Riss et le directeur financier Eric Portheault, qui se les partagent ainsi:
Sur France Inter, Zineb El Rhazoui, journaliste chez Charlie, dénonce cette concentration de pouvoir : « beaucoup d’argent et de pouvoirs sont concentrés entre très peu de mains (…) J’ai de l’amertume, car je me dis que c’est extrêmement décevant de se dire que Charlie Hebdo continue à être une entreprise plus capitaliste que jamais ».
Malgré tous ces bouleversements, la ligne éditoriale du journal satirique reste fidèle à elle-même : toujours critiquer, toujours s’exprimer.