Si les premières années de licence ont retrouvé lundi les bancs des universités par demi-classes, les autres niveaux sont toujours tenus de rester chez eux. Ils se sont réunis lundi sur le parvis de l’Université Bordeaux Montaigne, puis mardi après-midi place de la Victoire pour tirer la sonnette d’alarme face à la dégradation de leur santé mentale et aux mauvaises conditions de travail.
Sweat à capuche vert, cheveux longs et ton déterminé, Matéo fait partie de la cinquantaine d’étudiants réunis ce lundi sur le parvis de l’UBM. “Je devais reprendre les cours en présentiel aujourd’hui, sauf qu’on n’a pas reçu d’information de la part de l’université, ni de notre enseignante”, nous confie cet étudiant en première année de sciences archéologiques. Un contretemps lié à des problèmes d’organisation que Marie Mellac, vice-présidente de la Commission Formation et Vie Universitaire à l’UBM, place sur le compte d’un manque de moyens et d’une inertie de la machine universitaire. Elle précise par ailleurs qu’il est possible de revenir sur le campus mais que ce n’est pas une obligation : “certains enseignants et étudiants, pour des raisons de santé, personnelles ou techniques, ne souhaitent pas revenir en présentiel”.
Une circulaire gouvernementale du 22 janvier dernier invite les universités à mettre en place une reprise échelonnée des cours en présentiel, correspondant à l’équivalent d’une journée de présence par semaine. Marie Mellac souligne toutefois les difficultés à organiser ce retour sur place : “Le travail sur les emplois du temps est considérable, on ne peut pas tout changer en quelques semaines.” Frédéric Hoffmann, directeur de l’UFR Sciences des Territoires et de la Communication pointe quant à lui une difficulté supplémentaire : quantifier le nombre d’élèves de retour sur le site de Montaigne. Dans le département de Géographie qu’il chapeaute, entre 11 et 15 étudiants sur 20 devaient revenir en cours, mais il précise que ces chiffres pourraient varier au cours du second semestre.
La mobilisation des « étudiants fantômes »
Ces difficultés rencontrées par les universités, les étudiants les entendent. Mardi, ils sont donc venus réclamer plus de moyens pour l’enseignement supérieur. Sur fond de pancartes colorées, de musique et d’appels à danser le Madison, Emma, étudiante en L2 économie et gestion, partage sa lassitude et ses craintes pour l’avenir : “On en a marre que les facs soient fermées. Au premier confinement on a totalement arrêté les cours, et là on est sur zoom depuis début novembre, on ne peut pas poser de questions, les partiels sont en distanciel, c’est impossible à suivre. Je sens que j’aurai sûrement beaucoup de lacunes en L3”. Marie Mellac assure de son côté que l’université est bien consciente de cette situation, mais que le nombre insuffisant de salles et de bureaux, et le manque d’équipements compliquent l’organisation de cours en présentiel.
Les maux des étudiants exclus de la rentrée en présentiel
Pour cette raison, et face à l’urgence de la situation, l’UNEF réclame un investissement de 900 millions d’euros dans l’enseignement supérieur afin de permettre un retour la moitié du temps en présentiel, qui implique un dédoublement des classes. Mélanie Luce, présidente de l’UNEF, expliquait ce matin sur France Inter que ces fonds permettraient de titulariser les contractuels et d’embaucher de nouveaux chargés de TD. Avant de rappeler la nécessité de faire appel aux collectivités territoriales qui ont proposé de mettre à disposition des salles pour pouvoir respecter les conditions sanitaires.
Un mal être étudiant
La détresse est grandissante chez les étudiants, notamment ceux qui n’ont pas ou peu d’espoir de retourner sur les bancs de la faculté, et de plus en plus d’entre eux décrochent des cours. Dans une enquête réalisée en septembre 2020, l’Observatoire national de la vie étudiante relève ainsi que 31% des étudiants ont présenté des signes de faiblesse psychologique, 16,1% auraient eu une dépression sévère, et 11,4% des idées suicidaires. Cela s’illustre souvent par un décrochage scolaire, qu’il est néanmoins difficile de quantifier précisément selon Marie Mellac. Inquiète, elle reconnaît que la Commission Formation et Vie Universitaire reçoit de plus en plus de messages de détresse de la part d’étudiants en difficulté.
Les étudiants, pour qui ces mobilisations étaient aussi l’occasion de renouer un lien social, espèrent aujourd’hui être entendus par le gouvernement. Mais alors qu’un troisième confinement se profile, certains se demandent si les déclarations d’Emmanuel Macron du 21 janvier concernant un possible retour en cours un jour par semaine pourront bel et bien se concrétiser.
Elea Tymen et Philippine Thibaudault