Michel Billé : « Avec qui les personnes âgées pourraient-elles bien faire la fête ? »

Michel Billé, sociologue spécialiste du troisième âge et de la famille. © Michel Billé

Sociologue et ancien enseignant-chercheur désormais à la retraite, Michel Billé est spécialiste du troisième âge et de la famille. À une semaine du réveillon de Noël, les personnes âgées risquent de se retrouver particulièrement isolées, à l’écart de la société. Présence et entraide sont des solutions pour les inviter à la fête. 

Les personnes âgées sont-elles particulièrement isolées pendant les fêtes de Noël ?

Nos habitudes culturelles nous invitent et nous incitent à faire la fête. On ne fait jamais la fête tout·e seul·e, on fait la fête avec les autres, avec nos proches, avec ceux et celles qu’on aime. Dans une société où les personnes âgées vivent de plus en plus des situations d’isolement, avec qui pourraient-elles bien faire la fête ? Ce n’est pas une volonté de la société mais les personnes âgées se retrouvent isolées parce que nos modes de vie, nos habitudes culturelles se sont incroyablement transformées. L’évolution des modes de production a entraîné une transformation des modes d’habitat, et la famille nucléaire a explosé.

Ressent-on selon vous une honte lorsque l’on est seul·e à cette période ? 

Oui, bien sûr. Parce que si personne ne m’a invité, c’est que je ne suis pas fréquentable. Et si je ne suis pas fréquentable, c’est que je ne vaux rien. Et si je ne vaux rien, comment pourrais-je garder une estime de moi qui me permettrait d’aller à peu près bien ? Et cela va engendrer des phénomènes dépressifs, bien sûr. On a vu des jeunes isolé·es pendant le Covid glisser dans des syndromes dépressifs, y compris des étudiant·es qui ne pouvaient plus continuer à entretenir les mêmes relations sociales. Mais à plus forte raison pour les personnes âgées, parce qu’elles n’ont pas d’alternative : elles sont chez elles, avec la télé.

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Comment la société peut-elle lutter contre cette honte et cet isolement ?

On considère aujourd’hui qu’il y a au moins un million de Français·es âgé·es de plus de 60 ans qui souffrent de cet isolement. La prise de conscience est la clé : ce petit message transmis par téléphone ou cette personne qui vient frapper à votre porte avec des chocolats, ça a une valeur absolument merveilleuse. Dans les établissements de soin comme les Ehpad, on trouve très souvent des équipes de professionnel.les qui sont mobilisées avec beaucoup de bienveillance pour créer une animation, par exemple, dans ces moments de fête comme Noël. Au sens étymologique, anima, c’est la vie. Une animation va permettre de garder du lien et de se sentir beaucoup moins isolé·e, de se sentir en fête, en relation avec les autres.

Propos recueillis par Loretta LEGRAND

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