D’une rive à l’autre de la Garonne, l’expression de la colère lycéenne n’a pas pris la même forme. Ce matin, la manifestation a commencé pacifiquement sur la rive gauche. Elle a dégénéré quelques heures plus tard, lors de l’arrivée du cortège sur la rive droite.
Rive gauche de Bordeaux, il est 9h. Un cortège de lycéens se dirige lentement vers l’Hôtel de ville. Le soleil brille, les visages paraissent détendus. Une vingtaine de CRS les attendent. Un sit-in s’organise dès le début du regroupement. Face à eux, les CRS, boucliers à la main, protègent l’accès à la mairie. Le premier slogan retentit : « Macron t’es foutu, la jeunesse est dans la rue ». L’ambiance bon enfant est interrompue par l’explosion de trois pétards au milieu de la foule désorganisée. La réaction ne tarde pas chez les lycéens qui expriment leur désapprobation : « Casseurs, dégagez ! Casseurs, dégagez !».
Après un petit temps de flottement, le groupe de manifestants chante à l’unisson : « On est pacifique ! On est pacifique ! ». De l’Hôtel de ville jusqu’à la place de le Bourse, en passant par le Grand Théâtre, les lycéens n’ont de cesse de réaffirmer cette ligne de conduite.
« On a montré aux CRS qu’on ne voulait pas d’embrouilles. On s’est détaché du groupe des casseurs. Maintenant, ils sont partis loin, à Stalingrad ou ailleurs » explique Lilo, lycéen de Darwin.
Mais quelques voix s’élèvent. Un jeune interpelle la foule : « Il faut aller tout casser à Stalingrad ». Le groupe de manifestants se scinde progressivement en deux. Malgré les réticences, les « pacifistes », restés au pied de la fontaine place de la Bourse,migrent finalement de l’autre côté de la Garonne.
Un jeu du chat et de la souris
Rive droite de Bordeaux, il est 10h30. La situation se tend. Depuis lundi, la place Stalingrad est devenue l’épicentre des contestations lycéennes pour les établissements François Mauriac et Trégey. Ils manifestent contre la réforme du lycée, du baccalauréat et de la plateforme Parcoursup.
Des casseurs sont déjà sur place, la figure dissimulée par des écharpes. Devant eux, un amas composé de poubelles et d’un vélo s’embrase sur la ligne de tramway. Un individu s’approche et balance une trottinette dans les flammes.
Le gérant d’un tabac a juste le temps de baisser son rideau de fer, alors que des manifestants s’en prennent à sa vitrine. Des casseurs n’hésitent pas à lancer des projectiles sur d’autres manifestants qui continuent à scander « Casseurs, dégagez ! Casseurs, dégagez ! ». À l’arrivée des CRS vers 10h40, de nombreux jeunes reculent jusqu’au bout de la place. S’ensuit un duel à distance entre les forces de l’ordre et une partie des manifestants. Les deux lignes se jaugent, des objets non-identifiés volent en direction des gendarmes.
Ces derniers avancent finalement vers les casseurs, qui s’échappent par les rues adjacentes. Un véritable jeu du chat et de la souris commence. Il durera jusqu’en début d’après-midi. Partout où ils passent, les casseurs font flamber des poubelles, brisent les vitres des voitures et défoncent les rétroviseurs. Visages cachés, ils remontent la rue de la Benauge, parallèle à la place Stalingrad, tandis que les forces de l’ordre ne peuvent que constater les dégâts. Impuissants. Les scènes de désolation se multiplient tout au long du parcours. Les habitants du quartier, au pas de leur porte, assistent sonnés à ces scènes de saccage urbain.
C’est finalement à proximité du lycée professionnel Trégey que les casseurs s’éparpillent, alertés par l’arrivée, à midi, de quatre camions de CRS. Une arrivée qui rime avec retour au calme. Sauf pour trois voitures de police qui semblent prendre le relai des gendarmes dans la poursuite des casseurs.