Interdite à la vente par l’Assemblée nationale ce lundi 4 décembre, la puff, cigarette électronique jetable, séduit les adolescent·es. Beaucoup de jeunes s’initient au tabac par ce biais.
Devant le lycée Michel de Montaigne à Bordeaux, les élèves profitent de la récréation pour s’injecter leur dose de nicotine. Certain·es sont encore à l’ancienne avec des cigarettes classiques, essayant tant bien que mal de maintenir la combustion de leurs cibiches en les entourant de leurs mains gelées par le froid de décembre.
À côté, des groupes se font tourner un bout de plastique coloré. Aspirant la fumée, une odeur sucrée finit par sortir de leurs bouches. Elles et ils fument ce qu’on appelle des puffs, des cigarettes électroniques à usage unique. Malheureusement pour ces fumeur·euses, l’Assemblée nationale a voté lundi 4 décembre leur interdiction à la vente.
Un réel risque sanitaire ?
Selon une étude de l’Alliance contre le tabac prônant l’interdiction de la puff, 15 % des 13-16 ans l’ont déjà utilisée, et 47 % d’entre elles et eux ont été initié·es à la nicotine par ce biais. Marc Auriacombe, professeur d’addictologie à la faculté de médecine de Bordeaux explique que “le principal problème est sanitaire”.
Pourtant, il considère que la cigarette électronique est moins nocive que la cigarette classique. “Consommer un produit de combustion par voie inhalée est plus toxique pour le système cardiovasculaire, détaille-t-il. Au final, vapoter est un moindre mal”.
“Un rite de passage des adolescents“
Pour autant, selon une autre spécialiste en addictologie de la métropole bordelaise, la puff n’est pas nécessairement à bannir. « Ça nous arrive de la conseiller dans des contextes particuliers pour réduire la dépendance au tabac« , décrit-elle. « On reçoit des publics précaires et tous n’ont pas les moyens d’investir dans des cigarettes électroniques. La puff peut être une alternative en attendant de trouver mieux”.
Pour elle, il faut également faire attention car il y aura toujours des portes d’entrée vers le tabac. Tout ne se justifie pas par le marketing. La spécialiste rappelle le débat autour des paquets de cigarettes colorés qui encourageaient supposément la consommation de tabac chez les jeunes. Elle souligne que le tabagisme chez les adolescent·es n’a pas diminué depuis le changement de packaging. « Ce genre d’expérimentations est comme un rite de passage pour les adolescents ».
Prêts à contourner l’interdiction
Sur le parvis du lycée Montaigne, deux amis se partagent une puff bleutée qui tire vers le orange. « L’interdiction ne va pas nous empêcher de consommer. Tout le monde s’en fiche. C’est une puff, on la range dans la poche et on risque pas grand chose « , se rebelle gentiment Victor, 17 ans.
Son ami Sacha continue. Fumeur lui aussi, il a démarré à cause d’une cigarette électronique à usage unique. « Au collège, j’avais jamais fumé, se justifie-t-il. Mais en arrivant au lycée, on m’a tendu une puff et j’ai craqué « . Aujourd’hui, il consomme des puffs plutôt pour des raisons économiques car cela lui revient moins cher. « Ça me dure une semaine et demie et ça coûte environ dix euros. Alors qu’un paquet de clopes, c’est onze balles et ça me tient seulement deux jours« . Victor lui, en consomme car il les trouve moins nocives que des cigarettes.
Pourtant, 83 % des jeunes interrogés dans l’étude de l’Alliance contre le tabac affirment connaître les effets néfastes pour leur santé. 84 % savent que les puffs peuvent les rendre accros.
Sur les réseaux sociaux, les comptes de vente illégale de puffs se sont multipliés ces derniers mois. Comme dans de nombreuses grandes villes françaises, un marché alternatif s’est développé sur internet à Bordeaux. “Livraison devant collège, tout Bordeaux/Mérignac” peut-on retrouver sur un compte Instagram.
Certains jeunes anticipent ainsi déjà l’interdiction des puffs et expliquent qu’ils se dirigeront vers les réseaux sociaux pour continuer à s’en procurer. “On les achètera sur Snapchat ou Instagram”, explique Antoine, 15 ans, étudiant en seconde au lycée Michel de Montaigne de Bordeaux.
Des puffs de plus grande capacité y sont souvent mises en avant. “Au début, je fumais des puffs avec quelques centaines de bouffées, maintenant j’en ai une à 9000. Je trouve qu’il y a plus de sensations”, note Camille, âgée de 16 ans, en seconde au lycée Montaigne. Contrairement aux puffs vendues par les buralistes qui dépassent rarement les 600 bouffées et coûtent environ 9 euros, celles de 9 000 bouffées sont à 15 euros lorsqu’elles proviennent de vendeurs de contrebande.
Margot Sanhes @MargotSnhs et Maxime Sallé @DrifterNews
Photo : Maxime Sallé