A Darwin, le Skate Park est devenu un lieu incontournable. Pourtant, contrairement à son voisin, Le Magasin Général, son avenir est incertain.
Les skateurs affluent ce mercredi au 87 quai des Quayries. Il est 15 heures et à Darwin, de plus en plus de planches grondent sur le sol du skate park de l’éco-système. Parents, enfants et ados se croisent entre les rampes et les slides.
« Salut Boy ! « s’exclame Tony, en poste à l’accueil du skate park, en voyant arriver Adam. Du haut de ses 6 ans, le petit Adam débarque déjà bien équipé : casque sur la tête, genouillères et planche en main. Ici, il est déjà dans son élément et son père qui l’accompagne avec son petit frère en est ravi : « Ça fait 5 mois qu’on vient ici, avant on vivait à Paris. On est vraiment mal accueilli, vous avez vu ? », plaisante-t-il.
Comme tous les skateurs présents ce jour-là, cette famille récemment installée à Bordeaux adhère à l’association pour laquelle travaille Tony : La Brigade. Aujourd’hui cette structure, qui gère le fonctionnement de l’établissement, rassemble 3000 adhérents. Et Tony connait bien les habitués : « Le skate park est tous publics, c’est convivial. Il y a des enfants, des adultes, des garçons, des filles… Ah voilà Charlotte ! Elle, c’est une future championne de France » , prédit-il un brin sérieux.
Au skate park de Darwin, tout le monde a pris ses marques et les skateurs ne sont pas prêts de quitter leur QG. Pourtant, ils pourraient bien être forcés de glisser vers un nouveau spot.
Installation « clandestine »
Depuis deux ans, la présence de cet établissement à Darwin est menacée. Il faut dire que le skate park dispose d’un statut particulier. Contrairement aux premiers bâtiments à l’entrée de l’éco-système, le hangar où il est installé n’a jamais été acheté. C’est un peu par la force des choses que La Brigade a obtenu l’autorisation d’occuper cet espace .
Au départ, lorsque le groupe Evolution, en charge du projet Darwin, rachète une partie de l’ancienne Caserne Niel en 2009, il n’obtient pas le hangar. Ce dernier est utilisé pour stocker du matériel. Mais des skateurs s’y installent discrètement. « On a commencé à s’installer un peu clandestinement. On a ramené des conteneurs et des vieux canapés dans le hangar sans que la mairie ne le sache », confie Tony. « Il n’y avait rien pour nous à Bordeaux, alors on a ramené quelques modules d’occasion. » Face à la situation, Evolution tente sa chance et réussit à décrocher un contrat de location.
La Brigade est ainsi créée et l’association prend en charge la construction d’un véritable skate park indoor, à son image.
« Beaucoup de skateurs sont venus aider l’asso. On a commencé à construire de vraies rampes avec juste de la récup », se souvient Tony. En tout, 600 000 euros ont été investis dans ce projet privé. « Ça nous a permis de faire des économies. Normalement un skate park coûte 5 à 6 millions d’euros », souligne Aurélien Gaucherand, en charge de la vie associative à Darwin. La mairie les a même aidés à hauteur de 150 000 euros.
Malgré ces efforts, le skate park n’est pas à l’abri d’un retournement de situation. Car le groupe n’est que locataire et surtout, le succès de Darwin attire les promoteurs. La Brigade le sait bien : elle n’est pas propriétaire et ne dispose pas du même budget que ces nouveaux intéressés.
La solution ? L’insouciance
« Ça fait deux ans qu’on nous dit qu’en 2017, le skate park pourrait disparaître », concède Tony, assez détendu. « Il y a un an, j’ai cru que ça allait vraiment se faire. Mais maintenant on ne nous en parle plus vraiment », ajoute t-il. Inquiétant ? Au contraire. Pour cet employé de La Brigade, c’est même plutôt rassurant. « Je sais bien qu’on ne nous dit pas tout mais je préfère ça. Au moins je fais mon travail tranquillement », explique-t-il.
L’association poursuit donc ses projets sans vraiment se soucier du lendemain. Il y a un an, elle a même commencé à proposer des cours et des stages de skate, toujours dans l’état d’esprit coopératif qui caractérise l’éco-système. C’est la société Les Sauvages, locataire à Darwin, qui réalise leur communication. « Ça marche bien, on propose des cours mercredi, samedi et dimanche matin. Il y a aussi des adultes qui viennent entre midi et deux », précise Tony.
La Brigade espère même pouvoir développer un peu plus ses cours. Et preuve que le jeune homme a confiance en l’avenir : il passe en ce moment même un diplôme pour devenir prof de skate !