Les populistes sont au pouvoir

En Autriche, le parti d’extrême droite FPÖ rebat les cartes de l’échiquier politique.
Devenu incontournable, il s’impose jusque dans le nouveau gouvernement de coalition.

15 décembre 2017, Vienne. La droite conservatrice et l’extrême droite se tapent dans la main. Devant un parterre de photographes, le nouveau chancelier Sébastian Kurz (ÖVP- Parti Populaire Autrichien) et le leader populiste Heinz-Christian Strache (FPÖ-Parti de la Liberté d’Autriche) mettent en scène la coalition qui gouvernera pendant 5 ans, au minimum. Une victoire, synonyme de retour aux affaires pour le FPÖ, douze ans après sa dernière participation à un gouvernement. Sauf que cette fois, le parti obtient les clés de ministères régaliens, dont l’Intérieur, la Défense et les Affaires Etrangères. Dans la course au pouvoir, initiée par les partis populistes européens, il est le seul à passer la ligne d’arrivée. Déjà, lors de l’élection présidentielle de 2016, Norbert Höfer (candidat du FPÖ) frôle la pole position et récolte 46% des voix. Un record. Pour le journaliste Blaise Gauquelin, correspondant du Monde à Vienne, « sur la scène européenne, il n’y a pas de parti d’extrême mieux placé dans un système démocratique classique ». Le FPÖ réaffirme ainsi sa position de leader sur la scène du populisme européen.

 

L’identité politique

Le succès s’est construit, au fil du temps. Les racines profondes sont celles d’un parti à l’héritage néo-nazi, qui commence à peser sur la scène politique dès 1949, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Dans un deuxième temps, l’histoire est celle de deux hommes. Jörg Hader dans le rôle du mentor, Heinz-Christian Strache dans celui de l’élève. En 2005, Hader quitte la présidence du parti. Il entend « se libérer de ce marécage brun » qu’est le FPÖ, trop à l’extrême droite donc. Il avoue ainsi la véritable identité politique du parti : pangermaniste et xénophobe. C’est au tour de Strache de reprendre le flambeau de la haine. Pour Blaise Gauquelin, le changement est là : « la sémantique reste virulente » mais la base idéologique est moins assumée. Le nouveau leader politique met en place une stratégie, désormais bien connue de tous les populismes européens : le processus de dédiabolisation.

Dédiabolisation : l’exemple réussi du FPÖ

Strache met de l’eau dans son vin. Il recentre la ligne du parti, s’éloigne des fondamentaux et dégage tous les alliés encombrant du passé. En meeting, il brandit un crucifix comme rempart à l’islam. Une façon de troquer l’antisémitisme historique pour l’islamophobie, plus moderne. Le parti est « normalisé ». Il tire la couverture vers la droite de l’échiquier politique. Dans l’ouvrage « L’Autriche des populistes », Patrick Moreau, politologue et chercheur au CNRS, décrit la modification du « discours du FPÖ pour le rendre inattaquable sur le plan des principes démocratiques ». L’objectif : élargir sa base électorale. Un succès, accompli à grand renfort de communication.

Un contexte favorable

Source :  « L’Autriche des populistes » de Patrick Moreau *

Le parti connaît un véritable renouveau en 2013. Une poussée électorale inédite, qui s’explique par un contexte de défiance vis à vis du système politique. En cause : l’échec des coalitions des partis traditionnels à réformer le pays. Le ressentiment à l’égard des institutions européennes participe de cette dynamique. Et puis, cerise pourrie sur le gâteau empoisonné : l’arrivée massive de réfugiés fait bondir les statistiques migratoires (+13% en 2015, +14% en 2016). Une aubaine, saisie par les populistes qui développent des thèmes autour de la sécurité et de l’immigration. Strache compare la crise migratoire à « une invasion » et multiplie les déclarations chocs. Pour le parti, l’enjeu, c’est la sauvegarde de l’identité autrichienne. Un euphémisme pour ne pas dire pangermanisme.

Les intérêts du peuple

La ligne du FPÖ ne se développe pas seulement autour de ces questions, même si elles demeurent centrales dans son programme. Le FPÖ calque ses idées sur les préoccupations des électeurs et gagne du terrain chez les classes populaires. Il impulse une consistance sociale et économique à son idéologie. Les impôts doivent être réévalués, les retraites et l’emploi sauvegardés, les PME soutenues, la sécurité assurée. Le parti axe sa politique sur la défense des « oubliés de la mondialisation ». Même les femmes sont défendues par Strache, bon communiquant, qui pointe du doigt le risque que l’islam fait peser sur elles. En accédant au pouvoir, le FPÖ réussit là où les autres formations d’extrême droite ont échoué. Un premier de cordée, devenu le fer de lance des populistes d’Europe.

Léo MARRON

*Patrick Moreau (2016), L’Autriche des populistes, fondapol.org, [en ligne] http://www.fondapol.org/etude/patrick-moreau-lautriche-des-populistes/

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