Le Cartoon Movie permet aux écoles d’animation d’initier leurs étudiant·es au monde professionnel grâce au Coaching Programme. Du 5 au 7 mars, Alexandre Baduel, responsable de la filière animation de l’école 3iS à Bègles, assiste avec certains de ses étudiant·es à des rencontres et des conférences. Deux d’entre eux, Ludovic et Luna, se questionnent et y peaufinent leur projet professionnel.
L’avenir de l’animation française se dessine au Palais des Congrès de Bordeaux. Les écoles spécialisées l’ont bien compris : plusieurs sont présentes au Cartoon Movie, grand forum européen du film d’animation. « C’est une mise en situation professionnelle pour ceux qui veulent devenir réalisateur », assure Alexandre Baduel, directeur du département « animation et jeu vidéo » de l’Institut international de l’image et du son, connu sous le nom 3iS, à Bègles. Accompagné de cinq de ses étudiant·es, il participe au Coaching Programme durant deux jours. Cette initiative de formation permet aux étudiant·es d’écoles d’animation d’avoir un large aperçu de l’industrie et des défis rencontrés lors du lancement d’un projet.
Chaque année, environ 70 étudiant·es participent à l’événement. Au programme, conférence sur l’art du pitch ainsi que témoignages de producteur·es et réalisateur·ices. Demain, ils pourront assister à de réels échanges entre professionnels du secteur. Ludovic, étudiant en deuxième année à 3iS, a vite déchanté : « au final, c’est pas facile d’être producteur ». Sa camarade Luna, autodidacte en dessin depuis ses 13 ans, est satisfaite de ces rencontres : « On découvre des petits studios hyper intéressants du point de vue de leur animation. »
La France résiste aux majors
Le Cartoon Movie prône l’indépendance et l’artisanat, aux antipodes des grands studios américains connus de tous (Disney, Pixar, Dreamworks, …). Ludovic reste tout de même confiant et s’amuse de l’omniprésence des majors dans les cinémas français : « Disney n’a pas sorti de film mémorable depuis quelque temps ». Le studio se hisse tout de même en tête du classement des entrées des studios d’animation en France sur la période 2013-2022, avec une part de marché de 28,3 %.
Le premier distributeur français du classement est SND. Il occupe la cinquième place avec 5,5 % de part de marché sur cette période, grâce notamment aux deux Astérix de 2014 et 2018 et Vaillante en 2022.
Selon une étude du Réseau des écoles de cinéma d’animation (RECA) de 2021, 70 % des étudiant·es interrogé·es expriment la volonté de travailler en France. Une part qui s’est largement accrue en un an, puisqu’ils étaient 55 % en 2020. L’embauche dans les entreprises françaises de production de films et programmes d’animation suit la même tendance. Elle a continuellement augmenté pour atteindre le niveau record de 9 021 emplois en 2021.
Pourtant, les deux étudiant·es ne souhaitent pas rester en France. Ils ne remettent pas en cause l’animation française mais veulent « changer d’air ». Ludovic aimerait s’installer à Montréal. Une idée que partage Luna, qui reste tout de même encline à toutes propositions : « je veux travailler un peu partout dans le monde, là où je trouverai un emploi surtout ».
Œuvrer au renouveau du vintage
Le responsable de leur filière constate toutefois une nouvelle tendance : « Depuis sept ou huit ans, la 2D revient en force, alors que les effectifs diminuent. » Disney a en effet licencié tous les membres de son département d’animation 2D en 2013. Ils sont récemment revenus à une animation hybride avec Wish en 2023, mêlant 2D et 3D. Il en est de même pour les nouveaux films d’animation Spider Man qui ont révolutionné le genre et ont remis au goût du jour l’ambiance vintage de l’animation à la main.
Ludovic et Luna souhaitent devenir animateur·ices 2D. « C’est tellement plus élégant » confie l’étudiant. Il admire Ghibli tandis que sa camarade est fan de l’âge d’or de Disney. Une fois le story-board reçu, l’animateur 2D doit dessiner les scènes de paysages et animer les personnages. « C’est le corps même de l’animation », clame Luna.
La survie de l’animation menacée par l’IA ?
Mais avant de trouver un emploi, il faut se préparer aux grands défis de demain. Luna en retient un seul : « J’ai toujours la crainte de me faire dépasser par les machines. Quand je vois ce que l’on fait maintenant… ». Alexandre Baduel se veut plus optimiste concernant l’IA : il faut apprendre à l’utiliser comme un outil annexe, mais pas en remplacement des artistes.
Récemment, le fondateur de Dreamworks Jeffrey Katzenberg a exprimé un avis pour le moins inquiétant : 90 % des artistes des studios seraient remplacés par des IA dans les prochaines années, ce qui pourrait « révolutionner l’industrie », selon lui. Des déclarations qui irritent pour le moins les professionnels du secteur.
Alexis Girard