En France, ils sont 36.000 parents et enfants à avoir relevé le défi des « familles à énergie positive ». Leur objectif : réduire leur consommation d’énergie à la maison grâce à un accompagnement convivial, éducatif et écoresponsable. Enquête à Bordeaux avec la famille Kasa.
Peggy Kasa, (2ème à droite), Ann-Lanh, Mylan et Anne-Valérie Chaillou (1ère à droite) participent au défi des « Familles à énergie positive » CREDIT : Jérémie VAUDAUX.
Peggy Kasa est une chasseuse plutôt originale. Ses armes ? Un wattmètre, un sablier pour la douche et le « guide des 100 ecogestes ». Sa proie ? Les dépenses énergétiques. Accompagnée de ses deux enfants Anh-Lan, 7 ans, et Milan, 10 ans, l’infirmière libérale participe pour la deuxième année consécutive au défi « Familles à énergie positive » (FAEP) à Bordeaux.
Cette année, dans la métropole bordelaise, 240 familles constituées en 33 équipes ont déclaré la guerre aux dépenses d’énergies superflues. Avec un objectif : entre décembre et mai, réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 8%, soit le seuil fixé par le protocole de Kyoto signé en 1997.
« Après avoir emménagé dans notre appartement, la première chose que nous avons faite a été de changer les fenêtres et d’en améliorer l’isolation. Mais une question me trottait dans la tête : que mettre en place pour en faire davantage au quotidien, à petite échelle ? » se souvient Peggy.
Sa réponse, elle l’a trouvée en 2014, année où les Kasa sont devenues membre de l’équipe « L’Echo des Chartrons ». « Depuis, je suis en pleine transition énergétique. Consommation, déplacements … Tout y passe ! », assure-t-elle. Pour preuve, ses factures d’énergie : le site sélectra.com estime les consommations annuelles du logement de Peggy à 2358 kWh d’électricité et 16320 kWh de gaz. Pourtant, en participant au défi FAEP l’année dernière, Peggy a consommé 2240 kWh d’électricité et 14126 kWh de gaz. Soit 14% de réduction d’émission de GES.
Un porte-monnaie allégé.
Pragmatique, Peggy le reconnaît « Au début du défi, ma motivation était pécuniaire : consommer moins d’énergie, donc réduire mes factures ! ». Grâce à l’application mise au point en 2009 par la plateforme « InfoEnergie », les participants peuvent en effet contrôler précisément l’évolution de leurs dépenses.
Utile, puisqu’une étude de l’INSEE parue en 2010 indique que l’énergie représente le 5ème poste de dépense des ménages. Soit 2.300€ par an et par ménage. Economiser donc, mais comment ? Pour Jean-Pierre Levy, chercheur au CNRS « la contrainte économique qui pèse sur les ménages impose à certains d’entre eux de faire des arbitrages. Chauffage, consommation d’eau, éclairage … ». Et c’est là qu’émerge un paradoxe pour le géographe, entre « une envie de réduire ses consommations, sans diminuer son confort. Et malheureusement, cette norme de confort s’impose très souvent face à l’argument environnemental … ».
Pourtant, Maxime Privolt, en charge du défi des FAEP, se veut rassurant « Contrairement à d’autres actions, le défi ne vise pas à culpabiliser. Au contraire ! Il faut le prendre comme un jeu à la portée de tout le monde. Sans trop de contrainte en réalité, il suffit de prendre de bonnes habitudes ». Et ça paye. Entre décembre 2015 et mai 2016, les 178 familles bordelaises ayant participé au défi ont économisé en moyenne 200€ sur leurs factures et réduit leurs émissions de GES de 12%.
Tous derrière la planète !
Anne Walryck, vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge du développement durable, propose une lecture plus imagée des résultats « A Bordeaux, 1.350m3 d’eau ont été économisés l’an dernier, soit l’équivalent de 8.438 baignoires ainsi que 147 mW/h, ce qui représente la consommation annuelle en énergie de 9 maisons ! Quand on y pense, c’est incroyable ! ».
Effectivement, derrière l’enjeu économique se cache une réalité environnementale. Et ça, Peggy l’a saisi. « Faire attention à l’énergie, c’est devenu un vrai rituel. Ne pas tirer la chasse d’eau la nuit, ne pas prendre de douche de plus de 5 minutes … C’est génial : on peut multiplier ces petits gestes à l’infini. On se prend au jeu et à la fin, ça pèse dans la balance ! ». Elle se tourne en direction de son fils « Et puis, l’essentiel est d’éduquer les enfants avec ces petits gestes, hein Milan ! ».
Boudeur, il réplique « Quand je pars à l’école, j’éteins les lumières quand tu oublies, maman ! Et puis de toute façon, je n’aime pas me laver. Donc la douche … ». Fou rire chez Anne-Valérie Chaillou, capitaine de l’équipe de « L’Echo des Chartrons ». « Peggy et Milan ont tout dit : grâce aux FAEP, on réalise des petits gestes aux grandes conséquences. C’est une véritable gestuelle intellectuelle ! »
Epargner en toute convivialité.
« Et puis, les 8 familles de mon équipe ne sont pas livrées à elles-mêmes : j’organise des rencontres, les réunions ‘‘tupperwatt’’, afin que les participants échangent astuces et bons plans écoresponsables … Comme ce couple, qui a branché sa box internet à une minuterie pour éviter une veille gourmande en énergie». Ainsi, tout au long de l’hiver, les familles à énergie positive peuvent partager leurs expériences « dans un climat convivial : plus qu’une compétition, c’est un défi que l’on se lance », précise Peggy.
Anne Walryck abonde dans ce sens « Mes équipes et moi avons vraiment voulu donner une âme au défi. Créer de la convivialité autour de 11 rendez-vous interactifs et éducatifs, tout au long de la saison. » Un accompagnement qui se veut à la fois global et personnalisé, comme l’explique Julien Cozic, conseiller énergie des FAEP à Bordeaux « avec une formation à l’utilisation de l’application « InfoEnergie », à la lecture des factures, mais aussi des visites pédagogiques à la chaufferie de bois Ginko par exemple, ou des balades pour repérer les déperditions de chaleurs grâce à des lunettes thermographiques ». Prochaine rendez-vous : les résultats de mi-parcours le 25 mars. Peggy la chasseuse n’a qu’à bien se tenir. L’année dernière, l’équipe « Watt’Else » avait réduit ses émissions en GES de 34%.
Jérémie VAUDAUX