Dans la quatrième ville la plus embouteillée de France, des dispositifs de mobilités alternatives sont mis en place depuis quelques années. Parmi eux, les Bat3. En service depuis 2013, le réseau de bateaux qui relient rive droite à rive gauche n’a pas encore pris l’ampleur espérée.
Dix minutes avant le départ du catamaran, quelques personnes attendent déjà devant l’arrêt Lormont Bas sous un ciel gris. Il est presque 9 heures ce mercredi 30 mars et seul·es des habitué·es sont présent·es pour embarquer. Les vrombissements de moteur dans l’eau annoncent l’arrivée du bateau. Le matelot amarre le Bat3 au ponton et se dirige vers la grille pour l’ouvrir au public.
La ligne A du tramway justement, la seule à joindre les deux rives, concentre 25 % du trafic du réseau métropolitain de transports publics, soit 120 000 trajets quotidiens. Autant de raisons d’adopter le bateau. Car en heures de pointe, les autres moyens de transport sont saturés et les embouteillages se créent rapidement entre les deux rives.
Fabien, assis près de la fenêtre, a déposé son vélo sur le ponton. Sur son long trajet de 18 kilomètres entre Bassens et l’hôpital Pellegrin, le Bat3 lui offre une pause bien méritée. Il y apprécie l’absence de « bouchon ». « On est presque sûr des horaires », s’amuse-t-il.
Des bateaux sous vent
Viriginie, enfouie dans une veste blanche, s’en approche. « Je prends le Bat3 tous les jours, de Lormont à Quinconces, pour aller travailler aux Galeries Lafayette. » Chacune des personnes présentes à bord en font cet usage. Depuis les travaux sur le Pont de pierre en 2021, Virginie s’est laissé séduire par l’option bateau. « Je suis bien contente de ne plus utiliser le tram, qui était synonyme de stress et d’agressivité. »
Décongestionner le trafic, c’est l’une des raisons pour lesquelles les Bat3 ont vu le jour en 2013. Christophe Duprat, ancien vice-président de Bordeaux Métropole en charge des transports et porteur du projet, explique que les bateaux permettent « d’assurer une liaison rapide entre rive droite et rive gauche ».
Mais les horaires ne répondent pas à la demande. 70 % des habitant.es de la rive droite de Bordeaux Métropole travaillent rive gauche. A bord du catamaran, toutes et tous déplorent des horaires inadaptés, surtout le soir. Virginie aimerait voir la fréquence des bateaux augmenter. Mathieu aussi. Quand il rate la navette en raison des cadences trop faibles (environ un toutes les heures), il est obligé de se replier sur la voiture ou le bus. « Je ne peux pas me permettre d’attendre le prochain. Mais au moins, le Bat3 m’évite les embouteillages. »
En hausse depuis la création, la fréquentation des Bat3 a connu un remous en 2019, à cause de la pandémie. En 2021, 282 500 personnes ont pris la vague, contre 415 000 en 2019. Les usager.ères réclament plus de bateaux, notamment sur les périodes d’avril à octobre, où l’affluence est plus importante. Justement, pour développer le service et augmenter les dessertes, Bordeaux Métropole planifie de mettre plus de catamarans en circulation (voir infographie). Quatre nouveaux Bat3 viendront grossir les rangs : deux à partir de 2024 et deux autres en 2025.
Des touristes qui font barrage aux riverain·es
Terminus. Arrêt Stalingrad. De nouveaux et nouvelles utilisateur·ices embarquent. Maggy et Floriane, deux amies, discutent sur le ponton. Résidant toutes les deux rive droite, elles sont adeptes du bateau depuis plusieurs années. « C’est proche de chez nous et c’est rapide. »
Et Virginie affirme en riant : « L’essayer, c’est l’adopter ». Mais son enthousiasme n’est pas partagé. Sur une capacité de 65 passager·ères, on en compte cinq ce matin, dispersé·es sur les sièges du catamaran. Ni plus, ni moins que les autres jours en semaine. Une employée de TBM confirme une affluence accrue en période de villégiature. Pas de quoi ravir Maggy et Floriane. « Le gros hic, ce sont les touristes. Ils remplissent le bateau au point que, parfois, on ne peut pas monter pour aller travailler. »
Pour cette raison, TBM a amplifié la fréquence des Bat3 en week-end entre avril et octobre. Un bateau qui adopte alors un aspect plus touristique que pratique. Ce n’était pas le but premier lors de la conception du projet. Aujourd’hui, Christophe Duprat s’en étonne encore : « on ne s’était pas aperçu de l’attractivité touristique ». En effet, selon Céline Mordacq, chargée du suivi exploitation transports à Bordeaux Métropole, 30% des utilisateur·ices le prennent pour effectuer leur trajet domicile-travail. Les 70 % restants sont des touristes ou des habitant·es l’utilisant comme loisir.
La plupart des usager·ères apprécient la tranquillité d’une traversée en petit comité. Certaines soulignent même un « air de vacances ». Mais ces véhicules hybrides qui circulent sur l’eau avec diesel et électricité ont coûté cher : entre 500 000 et 600 000 euros pour chaque bateau. Aujourd’hui, ce moyen de transport n’est pas rentable. « Mais aucun ne l’est vraiment », rappelle Céline Mordacq. Les bateaux continueront donc leurs traversées, même si peu de personnes les attendent sur les quais.