L’augmentation des cas de VIH chez les jeunes inquiète : opération prévention et dépistage à Bordeaux  

Le nombre de séropositifs chez les jeunes a augmenté de 41% en dix ans, alertait Santé Publique France le 25 novembre dernier. En écho à cette aggravation et à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le VIH, le 1er décembre, le Collectif Sida 33 a installé des stands de dépistages gratuits sur la place de la Victoire.

Sur la place Victoire à Bordeaux ce lundi 1er décembre, les étudiants infirmiers de l’Institut Bagatelle posent avec le ruban rouge, couleur symbole de la lutte contre le sida. ©Elisa ORY

Il est midi sur les pavés de la place de la Victoire. Au milieu du brouhaha ambiant, les chapiteaux rouges attirent l’attention des passants. Soupe chaude, stands de prévention et dépistages gratuits rythment la journée. Devant les chapiteaux, Tito et ses camarades patientent. Le jeune vingtenaire ne s’est pas fait dépister depuis longtemps. « Je ne connaissais pas cette journée », confie l’étudiant infirmier. « Je ne serais pas venue si ma formation n’avait pas banalisé les cours pour nous inciter à y aller. »  

Sa camarade Hannah avait connaissance de l’existence de cette journée. Le VIH n’est pas un sujet tabou avec ses amies : « On n’est pas du tout gênées avec ça. Des fois, on ose se dire : tu devrais peut-être aller te faire dépister, parce que tu as eu plusieurs partenaires ce mois-ci ». Pour Tito, la situation est différente : « Avec mes potes, on n’en parle pas trop. Ça reste quelque chose de personnel. »

Dans une tente, Tito se fait dépister. L’examen est gratuit et rapide. Quelques gouttes de sang pour un résultat en moins de trente minutes. ©Elisa PÉREZ

Un silence qui invisibilise le risque 

Entre 2014 et 2023, la détection de cas de séropositivités chez les 15-24 ans a augmenté de 41%, selon Santé publique France. Un chiffre qui ne surprend pas Milo Veira, codirecteur du Girofard, association spécialisée dans l’accompagnement des personnes LGBTQI+ à Bordeaux : « Les jeunes qui ont leurs premiers rapports, pour la plupart, ne mettent pas de préservatif, ce qui est assez inquiétant. » Un constat appuyé par Sida Info Service, qui rapporte que moins d’un adolescent sur deux utilise systématiquement un préservatif lors d’un rapport. 

Pour Milo, ce chiffre, est dû à un manque d’information : « le programme scolaire d’éducation à la vie affective et sexuelle (EVARS) n’est pas mis en place dans tous les établissements. » Il regrette aussi la méconnaissance de dispositifs comme le TPE, médicament pouvant être pris dans les 48h après un rapport à risque, et la PrEP, traitement préventif contre le VIH.

À cela s’ajoute la persistance des fausses informations qui n’arrange pas la situation : « 15% des jeunes pensent qu’on guérit du VIH, ce qui est totalement faux, on n’en guérit pas. » rappelle Milo Veira. Pire encore, selon un sondage de l’IFOP, près d’un jeune sur cinq estime qu’un comprimé de paracétamol est efficace pour empêcher la transmission du virus.

Au stand prévention, les préservatifs sont distribués gratuitement. ©Elisa ORY

« On ne parle plus assez du sida » 

À quelques mètres des stands, Zélie et Sofia, étudiantes dans la vingtaine à l’école de Cirque de Bordeaux, se font dépister pour la première fois. « Je trouve qu’on ne parle plus trop du Sida, confie Zélie. On a l’impression que c’est plus vraiment un danger. » Un avis que partage Sofia : « J’en entendais beaucoup parler quand j’étais petite, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le mot sida est maintenant utilisé davantage comme une blague. » 

Ce désengagement, Sylvie Justome, adjointe à la mairie de Bordeaux, le constate également. Il est causé, selon elle, par un manquement des politiques publiques. « On voit bien que le Sida n’est plus une priorité mise en avant, regrette-t-elle. Le Sida ne fait plus peur. On a l’impression qu’on n’est pas concerné, alors que ça touche tout le monde. » 

Pourtant, malgré ce constat de désintérêt et de manquement politique, des objectifs ambitieux sont fixés au niveau international. Début 2020, dans une volonté d’éradiquer l’épidémie, l’organisation mondiale ONUSIDA a établi le programme « Objectif 2030 sans sida ». Pour y parvenir, 95 % des personnes porteuses du VIH doivent être traitées et avoir une charge virale intransmissible. Selon Sylvie Justome : « C’est ambitieux mais c’est atteignable, à condition de ne pas réduire les moyens financiers ». 

Pour l’heure au moins, les objectifs de la journée sont atteints, se réjouit Milo. La place de la Victoire fourmille de monde et la queue ne désemplit pas devant les tentes de dépistage.

Elisa ORY et Elisa PÉREZ

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