Depuis lundi 12 mars, les étudiants opposés aux lois Vidal et Blanquer occupent l’amphithéâtre Gintrac de jour comme de nuit sur le campus de la Victoire. L’amphi est devenu un lieu symbolique de combat citoyen. Un espace démocratique. Un laboratoire d’idées. Pour donner plus de visibilité à leur mouvement autogéré, ils s’allient désormais aux autres luttes dénonçant la politique d’Emmanuel Macron.
Ce n’est pas Bure, ni Notre-Dame-des-Landes mais bien Bordeaux. Au campus Victoire, la ZAD (zone à défendre) s’étend sur l’espace d’un amphithéâtre. Celui de Gintrac. Ici, les étudiants ne protestent pas contre un projet d’aménagement des murs de l’université, mais bien contre la réforme de son mode de fonctionnement. C’est l’environnement de la fac qui est en jeu. Alors, les occupants comptent bien se faire entendre.
Les étudiants ne veulent pas d’un nouveau Rémi Fraisse
Mardi dernier, une quarantaine de jeunes avait été violemment délogée par les forces de l’ordre. Les ecchymoses sur le visage de quelques protestataires poussent les jeunes à demander la démission du président de l’université, Manuel Tunon De Lara. Les étudiants sont déterminés à occuper indéfiniment l’amphi. Pourtant, une trentaine d’entre eux ont reçu un arrêté de l’université leur interdisant l’accès au campus Victoire en dehors des heures de cours. Mais la révolte est plus forte que l’interdiction.
Un nouveau Rémi Fraisse, les étudiants n’en veulent pas. L’expulsion manu militari leur a servi de leçon pour mieux s’organiser face aux violences policières. En assemblée générale lundi après-midi, ils en ont longuement débattu. Les avis divergent mais tout le monde s’écoute. Que faire en cas de récidive ? Mettre en place des barricades ? Ils ont voté contre. Les jeunes misent désormais sur la prévention. Des informations sont données aux plus novices en matière d’arrestation. Une ancienne professeure de l’université leur conseille d’apporter des protections. Cette fois-ci, ils sont préparés. Du matériel médical et des prospectus du « Collectif contre les abus policiers » sont à disposition.
Rien ne décourage ces jeunes opposants à la sélection à l’université. Au contraire, les violences policières subies ont permis de convaincre certains indécis de rejoindre le mouvement. Jules, 19 ans, suit le mouvement depuis quatre mois sans vraiment s’impliquer. « Depuis ce qu’il s’est passé à l’université de Bordeaux Victoire, ça m’a un peu plus bougé. Je suis dans une démarche où j’ai envie de m’engager dans le combat. » Est-ce par la crainte des adhésions que l’université a décidé de faire marche arrière lundi soir ? En tout cas, le vice-président, Antoine de Daruvar, présent sur les lieux, accompagné de la directrice du Collège des sciences de l’Homme, Virginie Postal Le Dorse, ont accepté de fait l’occupation des locaux lundi soir. Face à plus de 150 étudiants, ils l’ont assuré : il n’y aura pas d’intervention des forces de l’ordre. Un soulagement mais aussi un nouveau souffle au combat. « Notre objectif, ce n’est pas que d’occuper l’amphi, mais avant tout d’avoir le retrait des lois Vidal et Blanquer. On veut une nouvelle université avec plus de moyens, qui soit plus accessible et plus démocratique », assure Kévin, en deuxième année de sociologie.
La mobilisation des étudiants est avant tout citoyenne et pacifiste. Mais le politique n’est jamais très loin. Le député girondin de la France insoumise Loïc Prud’homme était d’ailleurs présent sur les bancs de Gintrac lundi soir. Venu incognito, il souhaitait servir de garantie supplémentaire en cas d’évacuation policière violente.
Une convergence des luttes
Les grands absents de la mobilisation restent les premiers concernés : les lycéens. Alors, pour donner plus de résonance à leurs revendications, les étudiants s’allient à tous les mouvements en désaccord avec des projets de réforme. Postiers, cheminots, fonctionnaires… Tous vivent les réformes comme une injustice et ont peur pour leur avenir. Au programme des jeunes aujourd’hui, une distribution de tracts contre la réforme SNCF. En rejoignant d’autres luttes, ils espèrent faire plus de bruit et être un exemple pour mobiliser les facs en France contre le projet de réforme à l’université. Il y a 50 ans, c’était à l’université de Nanterre qu’est né le « mouvement du 22 mars 1968 ». A Bordeaux, les étudiants aspirent, eux aussi, à un mai 2018 inscrit dans les livres d’histoire.
Asma Mehnana
Luc Oerthel