À l’occasion de la journée internationale de la visibilité transgenre, la rédaction d’Imprimatur vous partage le parcours d’Azur, jeune homme transgenre, pour devenir la personne qu’il a toujours voulu être.
“C’était un véritable périple mais j’ai avancé comme je le voulais.” Azur, étudiant de 20 ans, a commencé à s’interroger sur son genre en 2014. C’est à ce moment que sa première transition a débuté. Une transition sociale, qui consiste à exprimer son genre autrement que selon les normes et rôles associés au genre assigné à la naissance. Cela passe par exemple par le prénom et les pronoms. Avant sa transition, le jeune homme avait un prénom de genre féminin. Il a décidé de l’effacer de sa vie (c’est désormais ce qu’on appelle un dead name), pour le changer par Azur en voulant les pronoms il/lui.
Les personnes transgenres face aux difficultés de la société
Des difficultés ? “Oula, il y en a tant !” s’exclame Azur. Il explique qu’il y a trois grandes familles de transitions et qu’il n’y a pas de parcours type ou obligatoire avec un ordre à respecter. “Il faut le faire comme on le sent”. Azur a commencé par une transition sociale auprès de certains amis à l’âge de 14 ans. “C’était surtout un test. C’est-à-dire que je tâtais le terrain pour voir la réaction des gens. Au fond, je savais qui j’étais vraiment mais je ne voulais pas trop me mouiller”.
Sa première véritable transition sociale a commencé quand il avait 16 ans lors de son départ à l’étranger : “Là-bas, personne ne me connaissait donc je pouvais être qui je voulais”. Puis il a fallu refaire cette transition en France. “J’ai compris que ce n’était pas une passade, comme me le disait ma mère avant mon départ. Lors de mon retour, j’étais certain qu’il ne fallait plus utiliser mes pronoms féminins”. Il avait prévenu sa mère en amont, avant son arrivée : “À chaque fois ça se passait par Skype et à chaque fois elle était en pleurs. Je ne vous raconte pas l’ambiance de ces visios !”, se rappelle-t-il amusé. Azur a demandé à sa mère de voir une psychiatre. Elle accepte sa démarche, non sans difficultés : “A ce moment, je pense qu’elle pensait que la parole d’une experte aurait pu faire peser la balance de son côté”.
Cela a pris 4 ans à la mère d’Azur pour s’habituer à l’appeler par son prénom et non par son dead name puis à utiliser les bons pronoms. « Ça a été dur cette période. Je suis parti de chez moi pour vivre chez des amis car ce n’était plus vivable… Cette personne qui n’acceptait pas qui j’étais, c’était douloureux.” Aujourd’hui, la relation s’est apaisée entre la mère et le fils : “Elle a eu le déclic de m’accepter. C’était long ! Maintenant ça va mieux, on se voit la semaine prochaine !” dit-il en rigolant.
Jena Selle, activiste LGBTQIA+, consultante sur la transidentité et membre de plusieurs collectifs trans, confirme que le témoignage d’Azur est loin d’être le seul : “On suit de façon quotidienne les activités des associations d’accueil de jeunes trans qui ont parlé à leur famille, qui sont en rupture avec elle ou qui n’osent pas parler à leur entourage. Les très belles histoires sont minoritaires mais elles nous donnent de l’espoir et montrent l’exemple”.
“Heureusement que j’ai demandé de l’aide”
À partir de ses 18 ans, Azur avance plus rapidement dans sa transition, en passant à l’étape médicale : il commence les hormones en février 2019. Ce traitement permet de contrôler de nombreuses fonctions dont la croissance, la reproduction, la fonction sexuelle et le métabolisme. En parallèle, il fait sa transition administrative. Azur a pu changer son état civil de féminin à masculin et enterrer définitivement son prénom. Des changements plus ou moins longs, entre 3 et 6 mois, qui dépendent souvent des personnes à qui on s’adresse. “Heureusement que j’ai demandé de l’aide d’un élu de la mairie qui a pu accélérer le processus. Sinon je pense que j’aurais attendu encore plus longtemps”. Les procédures de changement de prénom restent, aujourd’hui encore, extrêmement compliquées et peuvent prendre un temps considérable, en fonction de l’endroit où la demande est introduite. A Paris, les procédures sont simplifiées mais elles sont encore extrêmement difficiles à Versailles par exemple, nous explique Jena Selle.
En octobre dernier, Azur s’est fait retirer les seins lors d’une mastectomie, une grande avancée dans sa transition physique. Mais les changements n’ont pas été simples à réaliser, et une difficulté majeure a failli stopper le processus : au dernier moment, sa psychiatre change d’avis et refuse de présenter son dossier en commission pluridisciplinaire, étape indispensable pour autoriser les changements physiques. La commission composée de psychiatres mais aussi de psychologues, d’endocrinologues ou de chirurgiens, prend la décision pour savoir si une personne peut commencer sa transition. C’est seulement avec un vote à la majorité que le processus est lancé. “Il y a rarement de “non” car l’envoi de “la candidature » appuie la volonté du patient de passer à l’étape supérieure » affirme Azur. Ce retard a eu un impact psychologique sur Azur. “J’avais l’impression qu’on se moquait de moi en m’enlevant cette opération”. Finalement, il réussit tout de même à recevoir l’approbation tant attendue pour son opération, avec quelques mois de retard.
Cet épisode à rebonds n’est pas la seule galère à laquelle il a dû faire face. Azur a rencontré notamment des complications pour son traitement car son endocrinologue a déclenché le traitement hormonal trop tôt par rapport à son suivi psychologique. Résultat : il n’était pas prêt et pas suivi correctement pour faire face à ce changement.
Un problème, sa solution, une association
Qu’à cela ne tienne : pour faire face aux problèmes, Azur ne baisse pas les bras et redouble de courage et d’ingéniosité. Il vient tout juste de créer son association sur les questions transidentitaires avec plusieurs objectifs en tête. Il s’agit dans un premier temps de donner des informations aux personnes trans, mais également pour l’entourage et à destination du grand public. Il veut mettre en place un lieu d’écoute, d’échange et d’accueil pour les personnes trans, les personnes en questionnement mais aussi pour leur entourage. “C’est un peu comme l’association Contact qui ouvre dialogue entre les parents, les lesbiennes, gays, bi. Mais avec mon asso, c’est pour l’entourage de trans !” dit-il avec fierté. L’association se veut aussi militante pour l’accès aux droits des personnes trans ou à la création de droits qui soit équitable.
Pour faire avancer les choses, l’association est en collaboration avec la mairie, en particulier avec la commission LGBT+ de la ville de Bordeaux. “On discute des dispositifs qui existent déjà et de ce qu’on peut faire pour améliorer les choses”, souligne Azur. En ce moment, Ils militent pour un meilleur accès à la santé. Car la communauté trans a des besoins spécifiques dans ce domaine, alors même que l’accès aux soins est qualifié de “catastrophe” à Bordeaux, comme le confie Jena Selle. Professionnels de santé qui ne les prennent pas au sérieux, qui refusent de prendre en compte leur transition de genre ou qui n’écoutent pas leurs besoins : les obstacles sont réels et nombreux. L’activiste souligne le fait qu’il n’existe pas de formation à ce sujet dans le cursus médical et que “c’est regrettable”.
Pour espérer une amélioration des droits des trans, cela passe concrètement par la reconnaissance de besoins très précis. Notamment la reconnaissance par les tiers ou par les institutions comme à l’école nous témoigne Jena Selle : “Parfois, l’école refuse d’utiliser les prénoms d’usage. Certains établissements d’enseignements supérieurs refusent de délivrer des diplômes avec les bons prénoms même s’il y a eu changement d’état civil. Il y a parfois des écoles à qui on est obligé de faire des procès pour qu’elles acceptent de modifier un diplôme. Alors qu’au début d’une vie professionnelle, ce sésame est indispensable…”
Mais il y a un besoin majeur qui ressort : plus de visibilité. “Plus on voit des personnes qui nous ressemblent, plus c’est facile de se sentir inclus”, souligne Azur. “Cela permet de sortir d’un certain état d’isolement, assez important et répandu chez les personnes trans”. Cet isolement est un facteur aggravant dangereux qu’il faut absolument éviter selon le jeune homme. Face à cela, Jena Selle explique : “Toutes les familles ne sont pas accueillantes et acceptantes. Un bon nombre de personnes trans doivent faire un tri au moment de leur coming out pour savoir à qui elles peuvent en parler. Et certaines personnes trans, particulièrement quand elles sont jeunes, sont dépendantes financièrement de leurs parents. Elles risquent alors de rompre avec leur famille, sacrifiant ainsi leur stabilité financière. Des facteurs qui peuvent entraîner une solitude”.
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