“La santé mentale des Français s’est significativement dégradée entre fin septembre et début novembre”, a déclaré le ministre de la Santé Olivier Véran lors d’un point-presse le 19 novembre dernier. Le mal-être des étudiants remonte pourtant au premier confinement, et fait peser un vrai risque sur leurs études.
“Au bout d’une heure de cours, je commence à décrocher”, soupire Mathilde*. L’étudiante en deuxième année de licence d’Histoire à l’Université Bordeaux-Montaigne a passé la quasi-totalité du premier semestre derrière un écran. A l’approche de la fin des partiels prévus en janvier, les difficultés s’accumulent : l’accès aux cours sur la plateforme en ligne E-campus, les mails trop nombreux ainsi que la difficulté pour les professeurs à s’adapter aux modalités du distanciel. Le sentiment de démotivation est bien présent et la charge de travail, de plus en plus difficile à surmonter entre les travaux dirigés, les devoirs à rendre et les cours magistraux.
Un problème de santé publique
“Les jeunes sont une population fragile marquée par le stress. Les troubles mentaux, comme la schizophrénie, démarrent chez le jeune adulte”, rappelle Julie Arsandaux, docteur en santé publique et en épidémiologie de l’université de Bordeaux. “C’est aussi un âge où la vie sociale est totalement bouleversée.” La chercheuse connaît bien son sujet. Elle analyse depuis avril dernier les données de l’étude Confins à laquelle ont participé 2300 étudiants de toute la France, pendant le premier confinement.
“L’originalité de cette étude, c’est la comparaison entre étudiants et non-étudiants. Les résultats montrent bien la spécificité de l’étudiant qui est en construction de son identité”, rappelle Julie Arsandaux. Si l’étude est amenée à se poursuivre, ses conclusions sont déjà révélatrices d’un mal-être de la jeunesse étudiante. 33% des étudiants présentaient des symptômes dépressifs, contre 16% des non-étudiants.
“J’ai l’impression de perdre mon temps.”
“Les jeunes sont dans un processus de suradaptation et de résilience. Ils font du mieux qu’ils peuvent”, constate d’ailleurs Edwige Jarnac. L’infirmière fait partie du personnel médical de l’Espace santé étudiants de l’Université de Bordeaux, un des recours possibles pour les étudiants dont la santé mentale se dégrade. Le premier confinement avait entraîné une augmentation du nombre de consultations pour santé mentale, qui est passé de 15% à 27%, alors que “les troubles mentaux restent stigmatisés”, selon Julie Arsandaux.
D’après Edwige Jarnac, “on a aussi constaté un changement de public. Le premier confinement a créé des besoins de consultation chez des personnes qui sont habituées à tirer leur énergie du milieu extérieur. Ça a créé chez eux beaucoup d’anxiété”, à laquelle se rajoutent bien souvent un manque de motivation et un risque de décrochage.
C’est le cas de Gautier, en deuxième année de licence d’anglais à l’université Bordeaux-Montaigne. Après avoir redoublé son année à 0,2 point près, il nous dit ne plus se sentir utile et n’envisage plus son avenir à l’université. L’anglais reste pourtant présent dans sa vie, à travers Netflix et Youtube, mais il songe désormais à se tourner vers une formation culinaire. “C’est normal, les étudiants ont la tête dans le guidon des études. Donc, soit ils sont surproductifs, soit ils arrêtent de travailler. Ils ne prennent plus le temps pour se poser.” A l’approche des partiels, Mathilde ne peut s’empêcher de s’inquiéter. « J’ai eu très peu d’informations sur comment allaient se tenir les partiels […] Je continue de suivre les cours mais il ne faudrait pas trop que la situation se prolonge sinon ça risque de devenir compliqué. » La prise de conscience se fait en tout cas, petit à petit, dans l’attente de la reprise des cours en présentiel. Demain, l’interview donnée à Brut par le président de la République Emmanuel Macron sera peut-être l’occasion de redonner du baume au cœur des étudiants.
Crédit photo: Nicolas Azam
Lauryane Arzel (@lau_arzel) et Nicolas Azam (@Nico_Azm)