Ce mardi 12 décembre, syndicats et professeurs manifestaient contre la nouvelle réforme des lycées professionnels. Parmi les mesures controversées, l’augmentation de 50 % du nombre de semaines de stages en entreprises et la réduction mécanique du temps scolaire. Face à la concurrence avec les autres formations et la diminution du nombre d’heures de cours théoriques, certains affirment que les jeunes peineront à décrocher ces stages toujours plus convoités.
Sur le parvis du lycée professionnel des Menuts, Axelle, élève en terminale bac pro commerce, raconte avoir remué ciel et terre pour obtenir un stage lors de son année de première. « J’ai vraiment galéré. À l’époque j’étais mineure et ça n’arrange pas du tout les entreprises. Heureusement que mes profs étaient là pour m’épauler ».
Avec la nouvelle réforme, les enseignants chargés d’effectuer la médiation entre l’élève et l’entreprise ne seront plus seuls. Depuis septembre, ils sont soutenus par un nouveau service. Internes aux 2 100 établissements professionnels de France, les bureaux chargés des relations avec les entreprises doivent épauler les jeunes dans cette recherche semée d’embuches. Ambroise Cyprienne est responsable du bureau du lycée professionnel des Chartrons. Elle se veut rassurante. « Tous les élèves de notre établissement ont trouvé un stage, y compris ceux qui attendent qu’une proposition leur arrive par miracle. Les entreprises aiment bien ce qui brille et le lycée professionnel, ce n’est pas ce qui brille le plus. Mais tout le monde y trouve son compte » affirme-t-elle.
Une réforme avantageuse
Marouane est aussi étudiant en bac pro commerce. La perspective d’intégrer plus longtemps une entreprise l’enchante. « C’est génial de pouvoir faire plus de stages. Les cours ne nous servent pas à grand choses. J’étudie l’histoire alors que je veux faire du commerce ! Je préfère largement pratiquer sur le terrain ». Pour ces jeunes jusqu’alors non rémunérés, l’aspect financier entre également en compte et fait pencher la balance du côté des entreprises. Avec la réforme, les élèves peuvent prétendre à une gratification évolutive selon leur niveau (300€ en seconde pour 6 semaines de stage, 600€ en première pour 8 semaines et 600 à 1 200€ en terminale). Ibra, lui aussi en bac pro commerce, considère cette nouvelle mesure comme attractive. « En stage on gagne de l’argent. Et on se fait connaitre des entreprises pour le futur. C’est bénéfique ».
« Nos élèves vont devenir de la chair à patrons »
Pourtant, côté enseignants et administration des établissements, on déplore un marché défavorable au cursus professionnel et ce, dès l’intégration. « Le plus dur pour les élèves, c’est l’apprentissage du savoir être en entreprise » confesse Ambroise. Jérome Jolivet, enseignant à Langon et membre du syndicat de l’enseignement professionnel public (SNUEP), affirme quant à lui récupérer des « gamins parfois choqués par la découverte de ce monde d’adulte ». Entre discrimination ethnique, de genre, et compétition entre les filières, le décrochage du stage tant convoité se complexifie. « Malheureusement, une fille qui souhaite intégrer le milieu mécanique n’y arrivera pas facilement. Alors si on doit maintenant décrocher des stages sur la même période que les filières générales et technologiques, ça devient presque impossible » déplore l’enseignant.
D’autant plus que cette augmentation du nombre de semaines de stages vient empiéter sur le temps scolaire. Pour les détracteurs de la réforme, l’enseignement reçu devient déficitaire face aux attendus des entreprises. « Ils veulent des jeunes déjà formés. Or, si on supprime des heures de cours, ils ne le seront pas suffisamment. Notamment d’un point de vue sécuritaire. On ne peut pas demander aux employeurs de leur apprendre ce qu’ils doivent voir à l’école ».
Marius Caillaud @caillaud_marius et Pierre Berho @berho_pierre