L’intensité du trafic automobile en centre-ville excède les Taillanais du centre-bourg. En 1982, une route de déviation est envisagée. Depuis, le projet a fait couler plus d’encre que de goudron. Le point sur la guerre du bitume.
Une demande forte
Le Taillan est bien malgré lui un passage obligé pour lier Bordeaux et le Médoc en voiture. Quelque 18 000 véhicules dont 1 500 poids lourds traversent la commune chaque jour. Une aberration aux conséquences graves sur les Taillanais. Ludovic Freygefond, maire PS de la commune de 2001 à 2014 souligne l’insécurité liée au trafic au cœur du bourg qui fait « des morts tous les ans », notamment sur le carrefour de Germignan, « le plus accidentogène de la commune ».
Henri Perron s’exprime en citoyen engagé en faveur de la déviation. Fondateur de l’association « RN 215, déviation à suivre », il veut cette déviation « pour diminuer la circulation au centre du bourg et donner la possibilité à la mairie d’interdire les poids lourds dans le centre ». Zélateur du projet, il fustige aussi les embouteillages avenue de Soulac, l’axe traversant la ville et débouchant sur la rocade.
Le temps administratif
La situation exaspère les habitants défendus par Henri Perron. Si cette affaire illustre l’incroyable complexité et la lourdeur de l’appareil administratif français, Jean-Michel Le Blanc apporte de la nuance. Journaliste à Sud-Ouest et auteur de plusieurs articles et dossiers sur le sujet, il estime que le temps administratif est naturellement long. Entre la volonté politique affirmée en 1982 et aujourd’hui, les recours émanant d’associations écologistes se sont multipliés, jusqu’au conseil d’État, ce qui a retardé le projet. « Et à chaque fois que les procédures redémarrent, il faut faire d’autres études car la loi peut changer, la conscience environnementale évolue… » Si les différents recours n’ont jamais fait revenir le dossier à 0, ils sont ralentis par l’action des pouvoirs publics.
Pour autant, les circonvolutions juridiques n’expliquent pas tout. Ludovic Freygefond en tant qu’ex-édile taillanais témoigne des difficultés qu’il a rencontrées durant ses deux mandats : « Avant 2004 et les lois de décentralisation, l’État avait la main sur le dossier. Puis le sujet est revenu au conseil départemental ». Ce transfert de compétences a ralenti le processus. Pour les maires, marginalisés, le seul levier d’action possible consiste à attirer l’attention des pouvoirs publics.
Mobilisation et action dimanche sur le chantier de la déviation du Taillan-Médoc.
— Extinction Rebellion Bordeaux (@XR_Bordeaux) February 3, 2020
Contre un projet écocidaire qui menace espaces naturels, nappes phréatiques et plus d'une centaine d'espèces protégées !https://t.co/lYjXEqgtyC pic.twitter.com/AIZZsl6gFL
La détermination écologiste
Il est donc normal qu’un tel projet demande du temps. Mais 38 ans, c’est tout de même exceptionnel selon Jean-Michel Le Blanc. Sans opposition écologiste, la déviation pourrait être en place depuis une quinzaine d’année estime-t-il. Natur’Jalles et France Nature Environnement Nouvelle-Aquitaine, à l’initiative de moult recours, épuisent l’arsenal juridique, et Henri Perron ne mâche pas ses mots à l’encontre de ces « menteurs qui travestissent la réalité ». Pour lui, les 100 espèces menacées par la déviation qu’évoquent « les écolos » relèvent de l’exagération. Les effets d’une nouvelle route ne serait pas si catastrophiques que ça. Le défenseur du projet accuse ses adversaires de faire preuve de mauvaise foi et critique le sérieux des études sur lesquelles ils proposent des variantes aux tracés envisagés.
Quoi qu’il en soit, la majorité des observateurs s’accorde pour dire que la déviation devrait voir le jour, vers fin 2020. Les défenseurs de la nature, déterminés à faire annuler le projet, comptent poursuivre le combat en dehors du terrain juridique.
Richard Monteil